Comme cette année 2020 un peu spéciale se plaçait sous le signe de la France, nous avons poursuivi nos explorations cocoriquesques au mois de septembre. C’est parti pour une semaine en Périgord noir, avec une profusion de villages typiques, de châteaux vénérables, de grottes ténébreuses et de forêts touffues. Cet article représente le tome 1, autour de la rivière Dordogne, de Sarlat-la-Canéda et autres villages réputés comme Castelnaud-la-Chapelle, Beynac-et-Cazenac, La Roque-Gageac.
Nous avons écrit un second article, le tome 2, qui évoque la vallée de la Vézère où se trouvent tout autant de beautés et une couche de préhistoire en supplément. (Pré)histoire à suivre !
C’est à la nuit tombée que nous poussons les portes de la Dordogne. Sous la lumière des phares, les panneaux flèchent des Vitrac, Beynac-et-Cazenac, Vezac, Carsac-Aillac, Veyriniac ou autres La Roque-Gageac. Les Périgourdins seraient-ils monomaniaques ? Le GPS nous mènerait-il dans le Languedac ? Nous avons le trac. Ouf, notre destination arrive, Sarlat-la-Canédac. Euh… la Canéda.
Au fait, pour ceux qui, comme nous, se questionnent sur la différence entre Dordogne et Périgord, eh bien il n’y en a pas. Les deux sont synonymes !
Sarlat-la-Canéda, immersion au Moyen Âge
Au petit matin, nous avons hâte d’explorer cette ville, réputée posséder le plus haut nombre de monuments au kilomètre carré du monde. Oui madame, oui monsieur, du monde !
Un coup d’œil à travers la fenêtre fait monter l’excitation d’un cran.
Quelques pas plus tard, nous sommes dans le vieux cœur de Sarlat. Et là, nous restons hébétés. Tout est magnifique, moyenâgeux et gracieux, du sol aux cieux : des colombages, des fenêtres à arcades, des tourelles, des toits en lauze…
– « Pffff » soupire un collègue touriste devant une bâtisse.
– « Quoi ? » demande sa femme.
– « Y’a trop de patrimoine ! »
Le syndrome de Stendhal guette le visiteur à chaque coin de rue.
Si ce patrimoine est flamboyant, c’est grâce à un coup de baguette magique voté en 1962, gratifiant d’une ristourne sur impôts celles et ceux qui rénovent. Sarlat-la-Canéda est alors passée du statut de vieux crapaud à pustules à celui de princesse en robe de pierre blonde.
Cette pierre jaune apporte du soleil jusqu’au fond des ruelles, y compris les jours de pluie.
En revanche, nous ne sommes pas sûrs de conseiller la visite de Sarlat un matin de marché (mercredi et samedi). Tous les touristes du coin déboulent, les ruelles grouillent, les déplacements cafouillent, la ville part en c… commerce. Sans surprise, le marché est un culte au foie gras et au canard sous toutes ses formes, sauf vivantes. La noix est davantage à notre goût, déclinée en huiles, liqueurs, confiseries, gâteaux, etc.
Pour calmer l’agoraphobie qui grandit en nous, rien de mieux qu’une virée dans l’aile ouest du vieux centre, plus calme et tout aussi belle. Nous n’y croisons que quelques touristes perdus, cherchant à retourner dans la cacophonie. « Ce n’est rien par rapport au mois dernier », précise un habitant à un passant, « c’était l’enfer ». Message reçu, nous ne tenterons pas le diable en venant à Sarlat en plein mois d’août.
L’après-midi, une fois la foule dissipée, nous revenons battre le pavé. Nul besoin d’élaborer ici une liste de « choses à voir » car c’est simple, tout est beau à Sarlat. Il suffit de flâner le nez en l’air pour se prendre des claques, voire des coups de poing. Les fameuses patates sarladaises.
Paradoxalement, la nuit rend la cité encore plus… éblouissante. La réverbération de la lumière des réverbères sur les vieilles pierres diffuse dans nos nerfs des frissons d’exaltation oculaire.
Nous prenons part à une visite nocturne de Sarlat-la-Canéda, proposée l’été par une conférencière, puis rentrons dormir, la tête garnie d’informations sur l’histoire de la ville, de ses principaux monuments, de ses moines, de la guerre de Cent Ans et mille autres détails.
Cette Sarlat noctambule nous charme tellement que nous revenons quelques soirs plus tard, à l’occasion des journées européennes du patrimoine. Le troisième dimanche de septembre, la ville s’illumine de milliers de bougies.
Nous nous délectons, revisitant chaque ruelle, des flammelles plein les prunelles. Des concerts, un crieur de rue, une peintre ou encore un sculpteur animent le tout.
Nous en profitons pour pénétrer dans certains bâtiments, notamment l’hôtel de Maleville qui héberge des expositions d’artistes toute l’année. Une surprise se situe au dernier étage, dans l’atelier d’Adrian Kenyon. Ce peintre et colleur anglais vit sous les combles et expose dans sa galerie personnelle un détonnant mélange d’humour, de théories fumeuses et de phrases politiquement incorrectes.
Conseils pratiques pour visiter Sarlat-la-Canéda
Manger à Sarlat
Nous nous préparions à quelques difficultés en tant que végétariens en Dordogne, mais aucun souci à Sarlat ! Certes, la plupart des restaurants proposent le même menu palmipèdique, mais quelques adresses font preuve d’originalité :
- Le Samovar : le meilleur restaurant de la région selon nous, tenu par un homme très gentil, qui installe ses chaises dans une jolie cour du centre. La carte propose peu de plats, c’est bon signe, et la moussaka (déclinée en trois versions : carnivore, végé et vegan) est à tomber !
- Le Coin Crêpes : une crêperie à prix doux. Les recettes proposées sont simples mais les ingrédients qui les composent sont excellents et ça change tout.
Dormir à Sarlat
Qui dit ville touristique dit prix enflés, alors mieux vaut réserver tôt : Voir les hébergements les mieux notés de Sarlat sur Bookingi. Sinon, les prix baissent en s’éloignant de Sarlat.
Idées de visites à Sarlat
- Visite nocturne guidée de Sarlat : très dense en informations, voire trop savante pour convenir à des enfants. 7€, à réserver sur le site de l’office de tourisme.
- Profitez-en pour jeter un œil aux événements culturels, ils sont fréquents.
- L’ascenseur panoramique : fermé pour covid en 2020, mais il paraît que c’est lui qui offre le meilleur point de vue sur la ville.
- GORODKA, à quelques kilomètres de Sarlat : un lieu farfelu créé par un artiste venu vivre « dans la forêt ». Shasmoukine a fini par bâtir ici tout un univers à base de toiles de peinture, d’objets de récup’ et de phrases cinglantes. Mention spéciale pour les illuminations nocturnes. Les visites démarrent peu avant la nuit, pour 10€ par personne. Écrivez ou téléphonez pour en savoir plus.
Domme, le village perché (et percé)
Allez, il est temps de se rapprocher de la rivière Dordogne et de vous présenter les bijoux de villages qui la bordent. Commençons par Domme, camouflé sur sa colline. Personne ne le remarque d’en bas, mais lui épie toute la vallée. Nous y pénétrons par une ancienne porte coincée entre deux donjons trapus, un système de sécurité qui a fait ses preuves.
Nous nous retrouvons immédiatement plongés dans un ensemble de ruelles calmes, aux belles maisons jaunes, soutenant une végétation débordante.
Le belvédère qui se promène sur toute la longueur du village de Domme offre une vue sur la région, intensément verte jusqu’à la dernière de ses collines.
Un salon de thé au nom original nous attire sur sa terrasse : Des idées à la noix. Leur gâteau, à la noix justement, est à la hauteur de nos espérances et même un peu plus.
Nous sommes déçus de ne pas trouver le fameux puits de Domme. En revanche, nous visitons sa grotte. À quelques mètres sous les pieds des habitants, s’étend en effet un joli repère de stalactites et stalagmites qui se visite en groupe (entrée 8,50€, durée 1h).
Beaucoup plus bas, au pied du promontoire de Domme, nous recommandons la petite plage du pont de Celac, à l’ombre des arbres, avec une guinguette et vue sur les canoës. Nous avons tout le loisir de les observer, et bizarrement ils ne filent pas souvent droit.
Montfort et Vitrac, un château et une école buissonnière
À six kilomètres de là (tous les lieux d’intérêt sont proches par ici !), nous découvrons le village de Montfort et son château au style tout simplement parfait. Si nous achetons un jour un château, c’est celui-ci ou rien. Il ne se visite hélas pas, alors nous nous contentons d’en faire le tour et d’admirer les maisons qui l’encerclent. Elles sont toutes élégantes, Dordogne oblige.
Pour une promenade fraîcheur, cherchez le belvédère de la « roche percée » puis suivez la boucle dite du « chemin des pêcheurs ». Il descend raide au début, mais offre ensuite quinze minutes de calme au bord de l’eau.
En revenant sur nos pas, nous faisons halte au village de Vitrac. Il n’est pas aussi spectaculaire que d’autres, mais possède une crêperie excellente et originale. L’École buissonnière, comme son nom l’indique, étale ses tables dans une ancienne école, entre la marelle et le panier de basket.
Castelnaud-la-Chapelle et ses environs boisés
Réveillés de bonne heure par une envie de randonnée, nous filons à l’aube entre les champs de noyers. Quelques chanceux voguent déjà au-dessus de nos têtes, d’un château à l’autre.
Nous rejoignons Castelnaud-la-Chapelle, encore un village : 1) perché, 2) avec un château, 3) juste au-dessus de la Dordogne. Le trio périgourdin.
Castelnaud fait d’ailleurs partie de nos villages de Dordogne préférés, avec ses ruelles en pente et une cascade de maisons qui plonge dans la rivière. Nous en profitons seuls quelque temps, avant que les autres touristes ne nous rattrapent et que les boutiques n’étalent déguisements de chevaliers ou princesses et épées en bois.
Des châteaux, il y en a de toutes les formes dans le Périgord, de toutes les époques et de tous les styles. Celui-ci est à classer dans le genre fort, très fort, avec muraille, donjon, pont-levis, catapultes, comédiens déguisés et explications pour les plus jeunes. Nous aurions aimé l’admirer de l’intérieur (10,90€ l’entrée), mais il y a tant de choses à voir en Dordogne qu’il faut faire des choix difficiles.
En lieu et place, nous nous lançons dans une randonnée au départ de Castelnaud-la-Chapelle. Le premier belvédère nous en met plein la vue :
La suite manque de points de vue, mais s’avère agréable tout de même, à l’ombre des bosquets. Vous trouverez sa trace GPS ici.
La Roque-Gageac et sa roche qui craque
Aïe, encore un magnifique village. L’alignement de maisonnettes de La Roque-Gageac, incrustées au pied d’une falaise balèze et se reflétant dans les eaux de la Dordogne, fait chavirer bien des cœurs et des canoës.
Derrière son air protecteur, la paroi cache une menace sournoise. En 1957, un éboulement aplatissait six maisons. La pierre est désormais surveillée, mais… nous ne dormirions pas tranquilles !
Ici aussi, nous nous lançons dans une randonnée, de trois kilomètres seulement. Une promenade de santé, donc, intitulée boucle des gabares.
Les gabares, ce sont des navires de bois à fond plat, autrefois utilisés pour transporter des marchandises, reconvertis en bateaux-mouches.
À part son nom, notre randonnée n’a absolument rien à voir avec ces gabares. Au contraire, elle s’éloigne de la rivière, grimpe dans la forêt, nous montre l’arrière-pays et redescend par les ruelles poétiques du village.
Certaines maisons se marient complètement avec la falaise.
Nous reprenons de la hauteur, mais cette fois à flanc de falaise. Une grotte au milieu du formidable mur abrite un ancien fort, où les villageois se retrouvaient pour papoter en cas d’attaque.
Le fort de La Roque-Gageac était fermé depuis dix ans pour travaux, car il commençait à flancher. Heureusement de gros piliers en béton sont venus lui soutenir le moral. L’endroit n’est pas large, vous en ferez le tour en deux minutes, mais nous vous recommandons la visite pour la vue panoramique, ainsi que les panneaux explicatifs dépeignant l’histoire du village et de la région (6,50€).
Et évidemment, puisque nous sommes en Dordogne, le village possède aussi un château en bonne et due forme :
Nous trouvons un joli petit spot de pique-nique au bord de l’eau. Ça ne s’arrange pas du tout chez les pagayeurs, dont les bisbilles nous parviennent aux oreilles.
Beynac-et-Cazenac, d’autres noms en ac
Après trois nuits dans notre appartement de Sarlat, nous déménageons un peu plus près des étoiles, sur la pelouse du camping des Magnanas (14€ pour deux en basse saison). Un terrain simple comme nous les aimons, avec une mini plage permettant d’observer nos voisins châtelains, des hérons pêcheurs et des canoës qui persistent à faire les quatre coins de la route.
Un sentier longe cette rive sur 2,5km entre Castelnaud-la-Chapelle et Beynac-et-Cazenac, et nous vous le recommandons chaudement pour une balade.
Comme nous avons déjà sillonné le premier village, c’est vers Beynac-et-Cazenac que nous nous dirigeons. En quinze minutes nous sommes déjà au pied de son épais rocher châteauté.
Le village est tout pentu, tout mignon, plein de maisons âgées, de fleurs bigarrées et de promeneurs essoufflés.
Cette fois, nous visitons le château. À l’inverse de celui de Castelnaud en face, le château de Beynac s’adresse plutôt aux adultes, avec un parcours d’une heure environ assorti d’un audioguide très instructif.
Le point de vue au sommet est exceptionnel sur toute la vallée. Si vous avez des yeux d’aigles, enfilez-les, vous pourrez repérer quatre autres châteaux des environs.
Enfin, en cas de fringale en sortant du château, nous vous conseillons d’attraper un sandwich ou une quiche à la boulangerie et de vous installer sur les tables au bord de l’eau, en bas du bourg de Beynac.
Canoë sur la Dordogne, c’est notre tour !
Cela nous démangeait depuis plusieurs jours, nous finissons par grimper sur l’une de ces frêles embarcations et nous lancer pour 14km de zigzags sur l’une des plus belles portions, celle qui nous fait repasser sous tous les villages sus-cités : Domme, La Roque-Gageac, Castelnaud-la-Chapelle et Beynac-Cazenac.
Après quelques errements, nous parvenons à avancer à peu près droit. Par chance, ni barrages ni rapides ne viennent compliquer les choses. Et puis, bonne nouvelle pour les flemmards, le courant est constant, pas besoin de trop se fatiguer.
Le passage le plus impressionnant est celui de La Roque-Gageac. Nous garons notre bout de plastique sur la plage d’en face pour mieux en profiter.
Nous sommes tellement bien que nous nous octroyons ici une petite sieste. Ce sont des gouttes de pluie qui nous réveillent. Gloups ! Pire, le vent s’est levé, nous l’avons en pleine face. Vous avez déjà pagayé face au vent ? C’est coton ! Heureusement, la Dordogne fait des boucles et nous retrouvons notre souffle pour la dernière ligne droite vers Beynac-et-Cazenac.
Les rives de la Dordogne sont étonnamment peu construites, très nature. Tellement nature que nous croisons plusieurs hérons et un pêcheur en tenue d’Adam. Preuve à l’appui (pour les hérons bien sûr) :
Côté pratique, vous n’aurez aucun mal à trouver un loueur de canoë, il s’agit de l’activité n°1 dans la région. Nous sommes passés via l’accueil de notre camping pour 21€ par personne et environ 3h de descente.
Notre avis sur le Périgord noir
Cette région autour de Sarlat et des villages à châteaux est franchement incroyable ! Nous nous doutions que la Dordogne était riche en patrimoine. Mais ce n’est pas tout, elle nous a marqués par la splendeur de ses villages tout simples et par sa nature débordante. Et même si le tourisme est fortement imprégné dans le coin (coin), en voyageant hors saison, nous avons surtout été marqués par l’ambiance très zen, propice à la détente.
Le tome 2 de nos aventures en Dordogne se déroule dans la vallée de la Vézère toute proche !
Conseils pratiques pour visiter la Dordogne
Où loger dans le Périgord noir
Si vous êtes motorisés, ce qui est fortement recommandé dans cette région, ne vous souciez pas trop de l’endroit précis où vous dormez puisque les lieux sont proches les uns des autres. Visez plus ou moins le triangle entre Domme, Limeuil et Montignac.
Pour notre part, nous avons dormi d’abord en plein Sarlat, intéressant pour profiter de la ville de nuit. Puis, pour changer, nous avons planté notre tente au camping Les Magnanas près de Beynac-et-Cazenac. Le choix de campings est vaste dans la région, veillez seulement à réserver tôt si vous venez l’été.
Franchement, ça donne vraiment envie !! On en a entendu que du bien bien-sûr, mais, en image et en récit, ça donne vraiment envie… Bon, faut se trouver une période peu touristique… mais en mêlant canoé, rando !! on pourrait même se faire un super plan avec Elise et Ségo 😉 Bref, encore un bon plan ! Biz
À la mi-saison, ça doit être vraiment sympa. On vous y imagine bien, il y a de quoi faire côté nature comme côté culture, c’est incroyable cette région !