– Oh, un manguier !
– Oh, un manguier !
– Oh, un manguier !
Ça n’arrête pas durant tout le trajet de bus. À croire que les pépiniéristes nicaraguayens ne vendent plus qu’un seul arbre depuis trois siècles. En même temps, quoi de mieux qu’un énorme manguier pour ombrager sa maison et se régaler de milliers de fruits ? Le seul problème, c’est que nous sommes arrivés un mois trop tôt, les mangues sont encore vertes !
Où nous mène ce bus ? Depuis les montagnes de Matagalpa, nous descendons vers la ville de Granada, ou Grenade en français. Toute ressemblance avec un nom de ville espagnole est parfaitement… intentionnelle. L’Amérique est truffée de Cartagena, Valencia, Mérida, León et autres Córdoba. L’histoire ne dit pas si les conquistadors souffraient d’un énorme mal du pays ou s’ils manquaient tout simplement d’imagination.
Granada la superbe
Au niveau architectural, cette fameuse Grenade nicaraguayenne n’a rien à envier à sa grande sœur andalouse. Nous sommes épatés en découvrant son centre-ville de carte postale. C’est un peu la ville coloniale fantasmée : parsemée de bâtiments sans âge, organisée autour d’une jolie place centrale, située au pied d’un volcan recouvert par la jungle, inondée par le soleil tropical, proprette et bien entretenue… Et pour mettre dans l’ambiance, rien de tel qu’une cathédrale jaune poussin !
Carlos, le propriétaire de notre hôtel, est ravi de tomber sur deux Français. Même s’il ne sait pas aligner trois mots dans la langue de Molière, il nous explique descendre d’une lignée française, installée à Grenade depuis des générations. Passionné par l’histoire de sa ville, il nous propose d’ailleurs un tour guidé dans sa voiture, que nous allons tâcher de résumer en quelques phrases.
L’immense lac que vous apercevez à votre gauche, souvent appelé lac Nicaragua, est relié à l’Océan Atlantique par un fleuve que les navires pouvaient jadis emprunter.
Marchandises et passagers étaient débarqués à Grenade, flanqués à l’arrière d’une charrette pour une cinquantaine de kilomètres, et poussés dans un autre navire sur l’Océan Pacifique. Bien entendu, nous parlons d’une époque où ceux qui traversaient les États-Unis risquaient leur scalp et où le canal de Panama n’était pas encore en projet.
Avec un nom pareil, Grenade a forcément une histoire explosive. Le fort que vous apercevez en face est l’ancienne réserve de poudre. Un port de commerce aussi prospère attirait inévitablement les pirates les plus redoutables. La ville a ainsi été ravagée par les flammes à onze reprises durant sa courte histoire.
Quant à cette maison à votre droite, ou plutôt ce palais, il appartient à la plus riche famille du Nicaragua, originaire d’Italie. Les adulateurs de spaghettis étaient venus en nombre s’installer à Grenade. Ils y auraient même attiré quelques-uns de leurs architectes, ce qui explique l’élégance des bâtiments.
Gracia pour votre attention, chers visiteurs. Gracia et non pas gracias, car ici les gens oublient de prononcer certains « s » à la fin des mots. Ah, il va devenir dur d’apprendre l’espagnol si chaque pays d’Amérique latine le cuisine à sa sauce !
Nous repartons explorer la ville à pied, et la meilleure manière d’admirer Grenade est de prendre un peu de hauteur. Pour cela, deux clochers se concurrencent. Celui de la cathédrale offre déjà une vue sympathique, notamment sur la place principale.
Cependant, nous préférons largement l’autre clocher, celui de l’église de la Merced, déjà parce qu’il offre une vue sur la cathédrale, mais aussi un panorama sans obstacle à 360° sur le lac, le volcan Mombacho voisin et même, tout au loin, les deux volcans de l’île d’Ometepe.
La perspective sur les toits rouges de Grenade laisse deviner une multitude de patios secrets, parfois trahis par un grand palmier qui dépasse.
Voilà pour l’aspect « brochure de voyage » ! Mais après cinq jours passés à Grenade, notre ressenti n’est pas si rose. Malgré la beauté du centre, nous l’avons trouvé trop lisse, aseptisé pour les visiteurs. Les locaux l’ont déserté et les minibus défilent pour déposer ou récupérer des grappes de touristes que nous n’avons pas recroisés ailleurs dans le pays. D’où viennent-ils ? Où vont-ils ? Nous avons notre petite idée…
La rue piétonne où se trouve la majorité des bars et restaurants est typiquement le genre de lieux que nous fuyons, avec un rabatteur tous les cinq pas et des prix gonflés. Nous nous félicitons d’avoir choisi une auberge avec cuisine.
À l’écart de cette frénésie artificielle, nous découvrons un joli quartier vers l’ouest et le parque Xalteva, idéal pour une petite marche sous la lumière du matin.
Pour admirer la face cachée de Grenade, il faut se diriger vers le sud, c’est-à-dire le coin du marché. Voilà enfin la véritable ville, vivante et bousculante !
Visites autour de Grenade : le volcan Masaya
Si nous avons prévu cinq jours à Grenade, c’est parce que nous pensions réaliser de nombreuses excursions dans la région : un tour en bateau entre les micro-îles du lac, l’ascension du volcan Mombacho, la visite de différents villages d’artisanat… Et puis, en nous renseignant de plus près et en discutant avec des voyageurs, nous nous rendons compte que d’une part tout est cher, et que d’autre part les gens reviennent déçus.
Par exemple, une étape phare de la visite des îles est la Monkey Island. En réalité, une pauvre famille de singes a été capturée et déposée là, sans autre nourriture que celle que les touristes apportent.
Nous partons tout de même en excursion au volcan Masaya. Sa particularité est d’être constamment actif et nous sommes quasiment certains d’observer de la lave en optant pour la visite nocturne. Souvenez-vous, nous avions essuyé deux échecs au Guatemala !
Alors alors ? C’est comment ? Eh bien… une fumée, rougie par la lueur de la lave, s’échappe d’un gouffre et… voilà.
Bon, en vérité, en se frayant un chemin sur le mirador pris d’assaut, en se penchant bien et en attendant que les volutes bougent un peu, nous finissons par deviner la lave au fond. Mais rien à voir avec le spectaculaire lac de lave que nous imaginions. Les moteurs des vans sur le parking font plus de bruit que le cratère et les fumées ne sentent même pas l’œuf pourri. Remboursez !
Au bout de quinze minutes chrono, il faut déjà repartir pour laisser place aux suivants.
Promis, nous ne nous plaindrons plus lorsque les volcans n’éruptent pas. Nous préférons cent fois une bonne randonnée sans voir de lave, comme au Guatemala, qu’une excursion en van de ce genre !
Conseils pratiques pour visiter Grenade
Dormir à Grenade
Ça n’a pas été simple dans cette ville, mais nous avons repéré un bon hôtel pas cher, appelé Arca de Noe (~20€ avec petit déjeuner)i. Les chambres sont simples et nécessiteraient un petit rafraîchissement, mais le patio est sympa, avec des hamacs, des rocking chairs (la spécialité de la ville !) et une cuisine à disposition pour économiser sur les restaurants. Le tout à deux pas du centre et avec un accueil bien agréable.
Restaurants à Grenade
Le centre ne manque pas de restaurants, mais les prix semblent indexés sur le pouvoir d’achat des touristes américains. Voici deux adresses plus abordables :
- El Burrito Loco : comme son nom l’indique, ce petit restaurant propose surtout des burritos mexicains, très réussis.
- Pan de Vida : une boulangerie qui fait aussi office de café et qui sert le tout dans une belle cour intérieure. Si vous avez envie de salé, goûtez leur énorme focaccia, qu’ils réchaufferont avant de vous l’apporter.
Transport de Matagalpa à Grenade
Nous avons emprunté un premier bus vers Managua (63C par personne, un départ par heure, durée 3h). Une fois à Managua, il faut changer de terminal et se rendre à celui du Mercado de Huembes, ce que nous avons fait en taxi. De là, nous avons pris un second bus vers Grenade (21C, départs très fréquents, durée 1h30).
San Juan del Sur, la plage… pas si bondée !
Après Grenade, nous reprenons la route vers San Juan del Sur, qui comme son nom l’indique se situe au sud du Nicaragua. Nous avons longuement hésité à venir fouler son sable car nous avions lu de bien mauvais avis sur Internet : bondée, dénaturée, habitants désagréables… Eh bien, en nous attendant au pire, nous n’avons pu qu’être agréablement surpris.
Certes, la plage de San Juan del Sur n’est pas totalement idyllique. Il manque du sable par endroits, les bâtiments ont pris leurs aises et le vent peut s’avérer gênant pour ceux qui aiment lézarder ou bouquiner. Le village n’est pas très beau non plus et de nombreux lotissements de vacances sont en train d’envahir les environs. Néanmoins, nous nous y sentons bien. Nous voyons des Nicaraguayens vivre, s’amuser, faire un foot, un volley ou jouer dans les vagues…
Le deuxième jour, en fin d’après-midi, nous grimpons à la statue du Cristo de la Misericordia qui domine la baie. La vue vaut-elle le litre de sueur ? Oh oui !
La côte est vallonnée à perte de vue, jusqu’à la frontière du Costa Rica et au-delà. Elle semble aussi très aride. Nous découvrons que beaucoup d’arbres d’Amérique centrale sont à feuilles caduques, sauf qu’ici elles tombent avec le soleil et bourgeonnent à la saison des pluies, quand les touristes repartent.
La baie de San Juan del Sur nous paraît tellement tranquille, loin de l’ambiance bruyante et bling-bling que nous imaginions. Le calme avant l’ouragan…
… l’ouragan du samedi soir ! L’espace d’une soirée, San Juan del Sur vibre au son des bars… pour retrouver à nouveau le calme le lendemain.
Conseils pratiques pour visiter San Juan del Sur
Dormir à San Juan del Sur
Ici comme à Grenade, les hôtels peuvent être un peu chers. Nous avons dormi à l’hôtel Casa Romano (~33€)i, une bonne surprise car les chambres sont impeccablement propres et climatisées. Ça repose !
Restaurants à San Juan del Sur
Nous avons bien apprécié le restaurant Simon Says, dont la cour pleine de plantes est joliment éclairée en soirée. Nous y sommes retournés pour un brunch avec buffet à volonté à 200C.
Sécurité
Évitez de vous éloigner de nuit sur la plage, il y a eu des agressions.
Monter à la statue du Cristo
Repérez sur une carte la route qui grimpe sur la colline, elle se fait très bien à pied. À l’entrée du belvédère, un gardien vous demandera 2$ par personne. Ne prenez pas en compte ce panneau qui indique, au pied de la colline, que le site ferme à 17h. Nous avons piqué un sprint pour rien puisque nous avons vu des visiteurs arriver à 17h30-18h.
Transport de Grenade à San Juan del Sur
Le trajet se fait en deux étapes. Prenez un premier bus vers Rivas (30C par personne + 20C par sac placé sur le toit, départs fréquents, 1h40 de trajet). Le point de départ est un petit pont sur la rivière, a priori celui-ci. Une fois arrivés au terminal de Rivas, le bus suivant est inratable puisqu’il affiche « San Juan » en très grosses lettres. Cependant, quelques arnaqueurs insisteront pour vous le montrer et vous y accompagner. Si vous ne voulez pas que leur commission s’additionne au prix du billet, faites-leur un pied de nez, entrez dans votre bus et ne réglez qu’au copilote (30C, départs fréquents, 50 minutes de trajet).
Très intéressante l’histoire de Granada, j’ai appris plein de choses !
« Gracia pour votre attention, chers visiteurs. Gracia et non pas gracias, car ici les gens oublient de prononcer certains « s » à la fin des mots. » : tiens, comme aux Canaries !
Je vois que le Nicaragua s’est bien « touristisé » en quelques années ! Les touristes américains qui se concentraient sur le Costa Rica ont fait monter les prix nicaraguayens. Quelle sera la prochaine destination à la mode ?
San Juan del Sur par contre, était déjà envahi de surfers américains, qui voulaient tous voir des tortues pondre, je n’avais pas du tout aimé.
Oui, pareil aux Canaries pour les s à la fin des mots… sauf que c’est pas forcément les mêmes s qu’ils retirent !
On dirait bien que le Nicaragua prend le chemin du Costa Rica. Prochaine destination à la mode : le Panama peut-être ?
Il semblerait que ce soit un problème partout dans le monde, ce truc des touristes qui vont voir les tortues pondre. Heureusement, ça ne devait pas être la saison, on a échappé à ça !
Oh le joli sourire de l’enfant dans le bus ! Et les joueurs de foot en pleine action au soleil couchant ! Pour nous ces images là surpassent les beautés architecturales…
Nous aussi on adore ce genre de photos. Les bâtiments ont l’avantage de savoir prendre la pose et de la garder, mais ils ne sourient pas souvent !
Bon, ok, je vais lire la suite… 😉 Vos photos sont belles, mais ça détonne moins que d’autres destinations !
Non, en effet, ça manque un peu de verdure tout ça 🙂
Hoop j’ai été totalement happée par la visite de Grenada. Quelle déception quand j’ai lu votre avis après. Pourtant les photos faisaient rêver (je suppose que ça vaut tout de même le coup d’y passer).
Quand à la côte ça me rappelle mon propre avis sur Puerto Escondido: on avait rencontré un couple de français qui avaient trouvé la ville pas si bien et avis vient préféré Mazunte (suivez mon regard) et, l’attendant au pire, j’ai été positivement surprise! C’est peut être bien une méthode pour apprécier les endroits controversés.
On est en ce moment même à San Juan Del Sur! Quel plaisir après l’Equateur de lire à nouveau vos articles :). Reco de restaurant à SJDL: La lancha!! Recommandé par notre hôte (Hostal Elizabeth), le resto donne sur la plage et offre des plats de fruits de mer très abordables! Langoutes 200cordo et les crevettes aux bbq 190 cordo ce qui fait en gros 5€ le plat avec un super service!
Ah ouf le tourisme reprend un peu au Nicaragua ! Merci pour ce conseil 🙂