Nous n’irons pas par quatre chemins. Prévoir un séjour au nord du Portugal sans passer par la région montagneuse de Peneda-Gerês serait un peu comme visiter Lisbonne sans s’enfiler un pastel de nata : une sombre méprise ou une immense co… (choisissez votre niveau de langage préféré). Maintenant que vous êtes avertis, nous allons tâcher de vous montrer pourquoi !
L’idée de cette échappée germe dans le canapé du petit appartement que nous louons à Porto. Tandis que nous réfléchissons à remonter les méandres viticoles du fleuve Douro, nous remarquons une zone verte au nord-est de la carte, collée à la frontière espagnole : le parc national de Peneda-Gerês. Quelques ooooh et quelques waoouh plus tard, nous glissons des chaussures de randonnée dans nos sacs, louons une voiturette pour quatre jours et filons vers les verts sommets.
- Sistelo : « le petit Tibet portugais »
- Soajo : vieilles pierres, cornes pointues et genêts par milliers
- Lindoso : greniers, château et lac-fleuve
- Gerês : lac, randonnée et miradors
- Deux cascades, deux miradors et un pont du diable
- Notre avis sur le parc de Peneda-Gerês
- Nos visites sur une carte
- Conseils pratiques pour visiter le parc de Peneda-Gerês
Sistelo : « le petit Tibet portugais »
Les routes se rétrécissent, les virages se multiplient, la radio ne capte plus, autant de signes que nous approchons. Le parc de Peneda-Gerês est face à nous, articulé autour de deux massifs principaux, Peneda et Gerês. Mais pour le moment nous restons à l’extérieur du parc pour visiter un premier village, celui de Sistelo.
Au premier abord, Sistelo est un village ordinaire. Des ruelles, des vieilles pierres…
… mais oh, tiens, que sont ces étranges cabanes allongées ?
Seraient-ce des tombes ? Des niches pour teckels à rallonge ? Non, il s’agit d’anciens greniers à maïs appelés espigueiros, que nous recroiserons ailleurs dans la région.
C’est en partant randonner et en prenant de la hauteur que nous admirons enfin ce qui vaut à Sistelo son surnom de « petit Tibet portugais » : ses terrasses !
Pour être précis, pas un grain de riz ne pousse ici, mais du foin qui fait belle illusion au printemps. Et pour être encore plus précis, nous randonnons sur le sentier PR24, bien balisé et long de six kilomètres. Une balade plaisante qui franchit des ponts, des forêts, des collines et des points de vue.
En chemin, de nombreuses vignes suspendues à plus de deux mètres du sol nous laissent perplexes.
Un nuage énervé surgit en fin de randonnée et nous pousse au trot, mais nous laisse finalement secs.
Soajo : vieilles pierres, cornes pointues et genêts par milliers
En route pour Soajo, notre premier point de chute, nous faisons connaissance avec la race de vache locale et ses antennes télescopiques. Les voir se promener en liberté n’est pas très rassurant !
Soajo a beau être un vieux village, il n’est pas près de tomber en ruines. La maisonnette que nous louons, comme toutes ses voisines, est dotée de murs si épais qu’ils grignotent la moitié des mètres carrés. Est-ce pour résister aux coups de cornes ?
Il est déjà tard, et en tant qu’amateurs de points de vue, nous en cherchons un pour le coucher de soleil. C’est ici que nous le trouvons. En chemin, nous rencontrons des tracteurs, de nouvelles mystérieuses vignes hautes et même des vaches radioréceptrices en liberté dans les ruelles, comme si de rien n’était.
Elles se partagent l’herbe des fossés avec un gang de chevaux non attachés et des poules. Décidément, les animaux sont émancipés dans la région.
C’est bien mignon tout ça, mais où est-ce qu’on randonne ?
Le lendemain matin nous nous élançons sur une boucle de cinq kilomètres intitulée caminhos do Pâo e caminhos da Fé (PR 7, percurso curto). Pas besoin de prendre le volant, contournez juste un tracteur, saluez la mamie tout de noir vêtue, le papi à béret qui nourrit ses pintades, puis grimpez sur le vieux chemin pierreux.
Après d’anciens moulins à maïs, nous pénétrons dans une forêt comme nous n’en avons jamais vu : jaune vive. Les Portugais aiment tellement les genêts qu’ils en ont recouvert des montagnes entières.
Nous croisons une nouvelle vache locale, qui se tourne vers nous. Nous retenons notre respiration. Elle nous jauge un instant… et prend ses cornes à son cou. Nous soufflons.
La fin de la randonnée continue de nous amuser, avec d’épaisses broussailles à traverser, des bouses entre lesquelles slalomer et des cours d’eau à enjamber.
À peine reposés, nous repartons explorer les environs. Les greniers à maïs de Soajo sont impressionnants (mais pas autant que ceux de Lindoso, dont nous parlerons plus bas). Ils sont une quinzaine, tassés sur un rocher tels une nécropole.
Nous passons ensuite voir le Poço Negro (puits noir) tout près de Soajo, un petit bassin alimenté par un torrent, offrant verdure et fraîcheur à qui le veut.
Conseil voiture : pas de parking, se garer comme on peut sur le bord de la route.
Lindoso : greniers, château et lac-fleuve
Cap sur le village de Lindoso, à dix kilomètres de Soajo, collé à la frontière espagnole. En chemin, nous nous autorisons une halte au mirador Meandros do Lima. Vous voyez le « fer à cheval » en Arizona ? Eh bien c’est exactement la même chose, mais très différent.
Conseil voiture : il ne faut surtout pas s’engager en voiture sur la mini route comme l’indiquent les GPS, ça ne passe pas. Trouvez une place sur la route principale et marchez 300m.
Une fois à Lindoso, nous tombons sur la grille fermée de son petit château fort. Nous nous contentons d’en faire le siège et quelques photos.
Juste à côté, les plus beaux greniers à maïs de la région sont là, une bonne quarantaine en tout. Chacun est chaussé de pilotis chargés de barrer l’accès aux rongeurs.
De retour au volant, nous sommes attirés par le fleuve Lima, qui marque majestueusement la frontière avec la voisine hispanique. Il existe quelques points de vue en direction du village de Várzea qui valent la chandelle.
Várzea lui-même est curieusement vide, presque abandonné. Pourtant, quelqu’un est venu accrocher une branche de genêt fraîchement cueilli sur chaque porte. Renseignements pris, cela correspond à la tradition portugaise du premier mai, un peu comme le brin de muguet en France.
Gerês : lac, randonnée et miradors
Après nos deux nuits à Soajo, il est temps d’explorer le sud du parc national : le massif de Gerês. Pour cela, les routes sont si rares que nous empruntons un raccourci via l’Espagne. Et figurez-vous que nous y apercevons fugacement les mêmes greniers à maïs. Les frontières sont plus poreuses qu’on ne le pense !
Le poste-frontière qui nous ramène en terre portugaise, Portela do Homem, est un vaste parking où des dizaines de voitures dorment à frein serré. Plusieurs randonnées partent d’ici pour s’enfoncer dans la dense forêt. Nous avons d’autres plans pour la journée et nous contentons donc de marcher 800m pour admirer la cascade do Homem.
Une descente, mille virages et un million de sapins plus tard, nous gagnons le village thermal de Vila do Gerês, aussi appelé Caldas de Gerês ou Gerês tout court. Honnêtement, à part pour tremper ses doigts de pied du matin au soir dans des bassins et dormir dans un imposant hôtel du soir au matin, le lieu présente peu d’intérêt.
Nous laissons la voiture profiter du village sans nous et partons à pied sur la très belle randonnée des miradors de Gerês. Comptez treize kilomètres de distance et 640 bons mètres de dénivelé positif pour grimper sur une colline, marcher de point de vue en point de vue sur la crête, puis redescendre.
Nous partageons, sous la menace, un peu de notre pique-nique avec des vaches armées…
… puis déambulons longtemps dans un incroyable jardin de rochers difformes et de fleurs sauvages.
Cette randonnée vaut son pesant de gouttes de sueur !
Voyez-vous le lac au bout ? Il s’agit d’une excroissance du fleuve Cávado, et c’est notre étape suivante, pour un petit verre sur l’une des nombreuses terrasses de cafés qui l’entourent.
Afin de saluer le coucher de soleil, nous reprenons la voiture et grimpons haut, très haut, au miradouro da Pedra Bela. Bonne pioche, la vue y est spectaculaire !
Si vous recherchez une table dans le coin, nous avons aimé la nourriture et l’ambiance du restaurant Petiscos da Bo Gusta, à Gerês. Les petiscos sont la version portugaise des tapas, avec par exemple des frites maison, une tortilla ou des champignons grillés excellents. Arrivez tôt, car la réservation n’est pas possible et la file d’attente s’allonge rapidement.
Détour sur le chemin du retour : deux cascades, deux miradors et un pont du diable
Le troisième matin, nous ouvrons les yeux puis les volets sur des poules, des vignes, des citronniers, des montagnes et, au fond, le lac (hôtel Costa da Bangai, ~55€ la nuit).
Notre route du retour vers Porto commence par un gros détour à l’est, afin de prolonger de quelques heures notre idylle avec le parc de Peneda-Gerês. Près du belvédère de Pedra Bela, nous nous approchons de la cascade d’Arado. Elle n’a pas un gros débit, mais une élégante silhouette et un bassin turquoise à ses pieds.
Conseil voiture : s’engager sur un petit sentier en terre, puis se garer avant ou après le petit pont.
La beauté naturelle suivante est la cascade de Tahiti (ou Cascatas de Fecha de Barjas), sautillant en plusieurs étapes tels un escalier. Sur chaque marche, un bassin stocke l’eau pour les baigneurs… courageux ! Nos pieds frissonnent rien que d’y repenser.
Conseil voiture : places de parking juste à côté, mais chemin d’accès piéton périlleux.
Vient ensuite le mirador d’Ermida, qui offre une vue dégagée sur le village du même nom. Cet arrêt n’est pas indispensable.
En revanche, nous conseillons un crochet par le mirador de Fafião, perché sur son rocher solitaire et offrant une vue grandiose vers les quatre points cardinaux.
Sur la carte, une nuée d’autres cascades et miradors sont indiqués, mais nous choisissons de rester raisonnables et d’arrêter de courir partout. Nous courons… euh… nous nous dirigeons tranquillement vers le pont du diable 😈 (Ponte da Misarela).
Conseil voiture : le parking se trouve à l’entrée du mini village, puis il faut descendre quinze minutes à pied pour atteindre le pont au fond d’une vallée.
Sur le sentier, les vignes continuent de courir au-dessus de nos têtes…
… et nous élucidons enfin le mystère ! Au loin, une vache en liberté étire son cou et cronch, chope une feuille. Elle s’enfuit à notre approche, la culpabilité sur le visage. Il s’agirait donc d’une protection anti-bovine !
Notre avis sur le parc de Peneda-Gerês
Nous sommes rentrés ravis de cette découverte, qui rejoint immédiatement la liste de nos endroits préférés au Portugal. Les paysages sont captivants, les possibilités de randonnées sont nombreuses, les traditions sont bien conservées et le printemps nous a offert une explosion de fleurs. Les amateurs de nature et de coins tranquilles apprécieront, mais aussi ceux qui cherchent un peu d’ombre lors des canicules estivales !
Nos visites dans le parc de Peneda-Gerês sur une carte
Conseils pratiques pour visiter le parc de Peneda-Gerês
Venir en voiture depuis Porto
Comptez 2h de route. En chemin, il est possible de faire des pauses dans les villes de Braga et Guimaraes. Nous avons visité l’une à l’aller, l’autre au retour et nous en parlerons dans un prochain article.
Louer une voiture à Porto
Il est facile de trouver des tarifs très attractifs sur les comparateurs en ligne, mais nous conseillons toujours de s’en méfier. Nous nous sommes tournés vers une toute petite agence locale appelée FlashRent que nous recommandons fortement. Elle est gérée par deux femmes honnêtes et sympas. Tarif 25€ par jour, assurance comprise.
Dormir à Soajo
La maisonnette traditionnelle que nous vous avons montrée à Soajo s’appelait Casas do Cavaleiro Eira (50€ petit-déjeuner inclus, réservation icii). Elle paraît sombre en photos, mais s’avère en réalité bien cosy et impeccablement propre. La propriétaire adorable parle un peu français, fournit de bons conseils, cuisine des gâteaux et apporte du pain frais le matin. Que demander de plus ?
Dormir à Gerês
Nous nous sommes trouvé un petit hôtel bien tenu, situé entre le village thermal et le lac. Il s’appelle Costa da Banga (55€ petit-déjeuner inclus, réservation icii). Les chambres sont simples mais grandes et confortables, l’accueil est excellent (comme toujours au Portugal). Quant à la piscine et la vue sur la montagne depuis la fenêtre, c’est cadeau.
Que faire si l’on est pressé
Ne prévoyez pas un planning trop serré, car les routes de montagne sont tout sauf rapides. Si vous n’avez qu’un ou deux jours pour visiter le parc national, nous vous conseillons donc de vous concentrer sur une seule zone. Choisissez la région de Soajo pour son côté authentique et secret, ou bien celle de Gerês, plus touristique, pour ses larges vallées et ses cascades.
Que faire avec plus de temps
Nous sommes loin d’avoir visité tout le parc de Peneda-Gerês. En farfouillant, vous trouverez sans problèmes d’autres lieux à découvrir, comme le sanctuaire de Notre Dame de Peneda vers le nord. Et pourquoi ne pas passer un peu de temps dans les montagnes galiciennes, côté espagnol ?
Nos sources pour ce voyage
Nous avons pioché en vrac dans le Lonely Planet Portugali, le blog en portugais Almade Viajante et l’appli Maps.me lorsqu’il s’agissait de repérer des points de vue.
Très chouette mais pas pour moi: j’ai la phobie des vaches en liberté après une mésaventure familiale 😱. Dommage. A moins que je parte avec une côte de maille…
Mince, effectivement, cette région n’est pas pour toi. Ou alors avec un chapeau à cornes encore plus grandes que les leurs, histoire de les impressionner !
J’adore votre reportage – j’ai eu l’occasion d’en faire une partie en septembre 2020 – notamment Soajo, les greniers sont superbes – Sao bento da porta aberta, le 2ème lieu de pelerinage après Fatima, Sistelo et beaucoup de petits villages – impression du bout du monde ! Je compte y retourner
Oh tiens, on n’avait même pas repéré São Bento da Porta Aberta, on n’est pourtant pas passés loin…
C’est vrai pour l’impression de bout du monde, les lieux sont si paisibles. Et visiter hors saison doit aider !
Super sortie ! J’adore l’explication pour le lézard ^^
Merci, collègue randonneur !
Quelles merveilleuses couleurs! Nous avons visité le parc en février et j’avoue qu’il m’est surtout resté le souvenir d’un séjour froid et humide, y compris dans notre hôtel. Très bon souvenir de Braga sous la pluie, et de Guimaraes un peu plus ensoleillée, j’ai hâte de lire votre prochain article.
Hello Bénédicte,
Zut alors ! Le nord du Portugal n’a vraiment pas l’air de connaître beaucoup de soleil en hiver. Et pour tout te dire, même en avril-mai on a eu un peu peur. On a pris soin de viser un weekend de soleil !
Hello, Absolument superbe. nous ne connaissons pas mais je mets sur ma short liste dès que nous aurons à nouveau un peu plus de temps pour voyager et randonner. Merci pour ce beau partage.
A très vite pour la suite.
Virginie
Randonnées et découvertes culturelles font toujours bon ménage. Cette région vous plairait !
Bonjour les fugueurs,
Vous nous faites découvrir avec toujours autant de talent une région que je ne connais pas. Les greniers sur piliers, ce sont les hórreos, fréquents sur toute la partie nord-ouest de la péninsule ibérique. Il y en a aussi en Galice, aux Asturies, dans le Léon. Ils peuvent être en pierre ou en bois, parfois recouverts de tuiles. Les pierres plates entre les piliers et le grenier interdisent la visite des rongeurs. On peut en voir au cours d’une randonnée dans les massif des Picos de Europa, que je vous recommande.
Cordialement
Michel
Hello, merci pour l’info.
On essayera un jour d’aller randonner par là !
Merci pour ce partage de possibilité d’exploration dans un endroit du Portugal que nous ne connaissons pas. Savez vous s’il est permis d’y randonner et d’y être hébergé avec son chien?
Bonjour Christine,
On pense qu’il n’est pas interdit de randonner avec son chien, mais on peut croiser ces fameuses vaches à longues cornes en liberté. Il vaut mieux qu’il sache se tenir tranquille et que vous gardiez sa laisse à proximité pour éviter toute réaction imprévisible (en particulier s’il y a un veau à protéger).
Quant à l’hébergement, il existe un filtre sur booking.com qui permet de choisir ce critère. Et il semble y avoir du choix !
Bonne découverte !
A force de lire vos articles formidables je prends enfin le temps de vous l écrire.
Votre blog est incroyable hors des sentiers battus avec un regard toujours positif qui sait voir le beau sans à priori.
Si j’ai un doute sur une destination je m’en remets à vos ressentis et c’est toujours du bonheur.
Grâce à vos articles nous avons visiter le parc de peneda geres et ce fut mon endroit préféré de nos deux semaines portugaises si calme si beau si authentique.
Merci de nous faire rêver avec vos photos vos dessins votre humour c’est que du bonheur!!
Et merci pour le partage nous avons séjourné dans le gîte en pierre de soajo c’était magique !!
Merci pour ce message hyper gentil, il nous fait trop plaisir !
Pour nous aussi, Peneda-Gerês s’est avéré l’un des lieux préférés de notre séjour. Alors on est heureux de transmettre l’idée à d’autres voyageurs qui apprécient à leur tour.
Bons futurs voyages 🙂
Bonjour,
Merci à vous pour ce super blog. Je me suis inspiré de votre itinéraire pour mes vacances au Portugal du 7 au 16 avril. Comme vous j’ai d’abord résidé à Porto à la très bonne auberge de jeunesse roselma hostel rua santa catarina puis ai loué une voiture afin de me rendre au parc national de peneda-geres. Je me suis directement rendu à Sistelo, ai fait un petit arrêt à ponte da barca puis je suis allé voir le parc. Après 400 virages, quelle belle surprise effectivement. J’ai ensuite regagné un hébergement près de Póvoa de Lanhoso. Merci encore pour vos conseils !
Hello Simon,
Ravis d’avoir pu t’être utiles. Tu y étais un peu plus tôt que nous dans la saison, on espère que tu as pu apercevoir les collines toutes jaunes toi aussi !