De part et d’autre de la route, les vignes s’agrippent fermement au sol sablonneux, pourchassant au plus chaud de l’été la dernière molécule d’eau oubliée. Difficile, à l’approche de San Rafael, de ne pas remarquer que nous restons en pleine région viticole argentine. Nous ne sommes qu’à deux cents kilomètres de Mendoza et Uspallata à vol d’oiseau, un saut de puce à l’échelle du pays. Quatre heures de bus seulement, rendez-vous compte !
Nous réalisons rapidement que les touristes étrangers ne se pressent pas à San Rafael. En revanche, les vacanciers argentins sont là en nombre, séduits par cette région non loin des Andes, pleine de cabañas (petits chalets en location) et de promesses de pics d’adrénaline en kayak, rafting ou autre tyrolienne. Nous ne nous lancerons dans aucune de ces activités, mais en trouverons d’autres tout aussi dignes d’intérêt !
Sous le soleil de San Rafael
Nous débarquons dans la petite ville sous 35°C et, malgré le bitume qui gondole, la rue vit. Les passants évoluent détendus sur les larges trottoirs, une glace ou une boisson fraîche à la main, tandis que des cyclistes fusent à droite à gauche.
Les bâtiments, eux, devaient être absents le jour de la réunion sur la cohérence architecturale. Nous le remarquerons un peu partout en Argentine, les villes sont trop récentes pour posséder un joli centre comme en Europe ou dans les plus anciennes cités coloniales d’Amérique latine.
San Rafael fait même office de benjamine, puisqu’elle a commencé à se développer il y a moins de 150 ans. Ce sont des Français qui, fleurant le potentiel viticole de la région, l’édifièrent et attirèrent à leur suite d’autres porteurs de baguettes sous le bras. De telle sorte que la bourgade resta longtemps surnommée « la colonie française ».
Aujourd’hui, les traces françaises sont rares, voire inexistantes. À part peut-être un restaurant appelé « Bon Vivant » et quelques Peugeot en fin de vie.
D’ailleurs, en parlant de vieilles guimbardes, les Argentins en sont friands. Ils les bichonnent et les conduisent fièrement, en particulier les vieux pickups américains de deux ou trois tonnes.
De San Rafael, nous aimons surtout l’archicentre. Non pas qu’il soit archibeau, mais il relègue les voitures au second plan et accorde plus de place aux piétons. La plaza San Martin, notamment, est un bel endroit pour se poser sur un banc.
Ou encore pour goûter un submarino (sous-marin) au café du coin. Il s’agit d’un lait chaud, servi avec une barre de chocolat à faire fondre soi-même.
La chambre d’hôtes où nous dormons est tenue par un tailleur de costards à la retraite, reconverti en tailleur de bavette. Chaque fois qu’il nous voit, il tient à tout nous raconter sur la ville, la météo, son enfance, sa carrière, ses voyages… quel accueil !
Avec notre espagnol trébuchant, nous n’en comprenons hélas que la moitié. Il nous explique par exemple que l’Argentine est un pays très……… Ahem, voilà, c’est la moitié. Et que par conséquent les Argentins ne font jamais………
Mais ce n’est pas grave, nous faisons des découvertes par nous-mêmes. Les Argentins sont, comme les Italiens, férus de bidets. Ils en glissent dans toutes les salles de bain. Plus important encore, ils sont les champions du monde du rideau de douche. Oui oui, avec deux épaisseurs, des motifs différents de chaque côté et une excellente résistance à l’effet « je te colle à la peau ».
Et tant que nous sommes sur les sujets importants, les toilettes publiques argentines ne disposent que très rarement de verrous, dans les restaurants comme dans les gares routières. Un mystère qui nous poursuivra tout au long de notre voyage !
Paysages inhabituels au Cañon del Atuel
Mais bon, nous sommes venus jusqu’à San Rafael avec d’autres idées de visites que les toilettes publiques !
Après une rapide comparaison des agences de location, nous partons au volant d’une voiture, cheveux au vent de la climatisation. Notre objectif est le Canyon de l’Atuel, à une quarantaine de kilomètres de là, surnommé le « Grand Canyon argentin ».
Bientôt, nous atteignons le tumultueux rio Atuel, encadré par la roche rouge et bordé de végétation à la manière d’une oasis saharienne. Il ne manque que les palmiers.
Sur les morceaux de rive accessibles, les familles argentines s’installent à la fraîche, avec un pique-nique ou un maté. Les boutiques l’ont bien compris, elles proposent toutes de l’eau chaude contre une pièce.
La vallée est peuplée de cabañas, campings, restaurants et même une armée de distributrices de prospectus qui foncent sur notre voiture pour vanter des sports extrêmes.
Vient ensuite un barrage et, juste derrière, sous nos yeux ébahis, ce lac assez hors du commun !
Comme notre hôte nous avait prévenus, cette année le niveau d’eau est……… euh… zut, nous n’avons pas compris la suite.
Puis, la route se transforme en piste et déroule ses bosselettes sur quarante-cinq kilomètres, longeant la rivière jusqu’au deuxième lac d’El Nihuil. Ce trajet s’avère bien long, mais consiste en un renouvellement permanent de paysages. Par endroits, des panneaux donnent des surnoms à certaines formations rocheuses : le cosmonaute, les éléphants, les biscuits alfajores, les jardins suspendus…
Et pour finir, nous rentrons à San Rafael par une route bitumée, qui fait plaisir après douze mille bosses.
Il doit être possible de réaliser l’excursion en trois ou quatre heures en se dépêchant. Nous en avons mis cinq, pour le plaisir des yeux. Ce n’est pas le Grand Canyon, mais une sortie sympa si vous êtes dans la région.
Le labyrinthe de Borges
Avant de rendre la voiture, nous nous perdons un peu dans les alentours de San Rafael. Pas au volant mais à pied, dans le Laberinto de Borges (environ 2,50€). Une activité surtout conçue pour les enfants… qui nous donne quand même un peu de fil (d’Ariane) à retordre !
Pour les tricheurs, c’est simple, une grande tour postée juste à côté permet d’étudier d’un coup d’œil l’itinéraire. Et de s’apercevoir au passage que les jardiniers se sont amusés à dessiner des lettres buissonnières.
Le parc lui-même offre suffisamment d’ombre et de pelouse pour se poser à l’abri du soleil castagneur. C’est ce que font les locaux, accompagnés de leurs chaises pliables et de leur maté. Qui ne possède pas ces deux ingrédients… n’est pas Argentin !
Visite d’une bodega et dégustation de vin
Nous avions zappé les caves à vin de Mendoza, nous nous rattrapons à San Rafael. Et pour cela, nous visitons la Bodega la Abeja, doyenne de la ville.
En tant que seuls étrangers, nous avons droit à notre visite guidée privée en anglais, gratuite. Nous apprenons que le Français à l’origine du domaine fit venir du bled ses pieds de vigne, le chêne de ses tonneaux, ses machines et même sa main-d’œuvre. Le tour est intéressant et dure une trentaine de minutes.
S’ensuit une dégustation, gratuite elle aussi (pourboire bienvenu). Verdict : hmmm… pas mauvais, mais nous avons goûté bien meilleur durant notre séjour dans le pays. La guide nous donne à mi-mot l’explication : la bodega met un point d’honneur à travailler le raisin de façon traditionnelle, avec les machines d’époque, au détriment peut-être du goût.
Là où les vins français sont souvent des assemblages de différentes variétés de raisins, les bouteilles argentines affichent clairement un unique cépage : Merlot, Cabernet Sauvignon, Pinot Noir, Tempranillo, etc. La star nationale étant le Malbec. Cette variété française aurait, selon les spécialistes, gagné en arômes en traversant l’océan. Sans casser le porte-monnaie, il est facile d’en trouver d’excellents en boutiques.
Si vous préférez le vin blanc, nous vous recommandons le très doux cépage Moscatel de Alejandria ou bien… le Champagne. Eh oui, l’appellation est protégée en Europe, mais pas au bout du monde.
Après la visite de la bodega, nous vous conseillons de marcher cinq minutes dans ce quartier plein de restaurants flambant neufs pour atteindre un excellent glacier, El Pinito. Comptez 1,50€ les deux boules, voire craquez carrément comme les Argentins pour un pot d’un demi-litre !
Soirée dans un « food court » au parc
Enfin, en marchant deux minutes de plus, vous pouvez déguster votre glace sur le banc du joli parc Plaza Francia. Nous tombons sur une fête foraine, avec attractions pour enfants et surtout un food court au fond du parc. Une quinzaine de stands variés : arepas vénézuéliennes, pizzas, empanadas, frites et même bière artisanale. Exactement ce qu’il nous fallait ! Ce marché s’installe apparemment chaque samedi et dimanche soir d’été.
Et le clou de la soirée arrive : les clubs de danse de la ville se sont donné rendez-vous pour organiser un spectacle. Au passage nous faisons connaissance avec quelques tubes argentins, comme Chica Sexy, par Banda XXI. Jetez-y une oreille, ça file la pêche !
Surtout, nous découvrons ce qui deviendra rapidement notre groupe argentin préféré, Los Autenticos Decadentes :
Notre avis sur San Rafael en Argentine
San Rafael est une ville simple et sans prétention, nichée dans son petit désert, loin du tumulte des grandes villes. Rien de plus, rien de moins. Nous étions heureux d’y passer, de faire connaissance avec l’Argentine profonde et de jeter un œil au canyon de l’Atuel.
Et comme l’a si bien dit notre hôte, le plus difficile quand on quitte San Rafael, c’est……… hum, flûte.
Épilogue
Après trois jours à San Rafael, nous repartons en direction de Rosario à bord d’un bus de la compagnie Cata Internacional. Elle porte parfaitement son nom, puisque l’engin tombe en panne au bout de trente minutes ! Le contraire nous aurait presque déçus.
Conseils pratiques pour visiter San Rafael
Transports de Mendoza à San Rafael
Nous sommes montés dans un bus de la compagnie Andesmar, réservé via le comparateur Busbudi. Durée 3h15, 4,60€ par personne.
Dormir à San Rafael
Les hôtels étant peu nombreux et les tarifs grimpant durant les vacances d’été, nous avons trouvé notre bonheur sur Airbnb. Une chambre d’hôtes dans une maison d’architecte « années 70 » assez impressionnante dans son genre, tenue par un monsieur attentionné (~50€, petit déjeuner compris, voir l’annoncei).
Manger à San Rafael
Notre restaurant préféré est un mexicain appelé Taqueria Lupe. Il propose de bons tacos et d’autres options comme des hamburgers, avec une grande terrasse sur le trottoir.
Un conseil : apportez un jeu de carte pour patienter au restaurant, dans toute l’Argentine et dans cette ville en particulier !
Si vous n’avez pas de jeu sous la main, vous pouvez vous rabattre sur des empanadas à emporter. Celles du Palacio de la Empanada sont délicieuses, avec une dizaine de recettes dont trois végétariennes.
Se déplacer dans San Rafael
La ville n’est pas grande, mais vous aurez probablement besoin d’un coup de pouce motorisé pour rejoindre la station de bus ou vous rendre à la Bodega Abeja. Hélez un taxi dans la rue ou demandez à un habitant le numéro d’une agence de « remis », les taxis moins chers. Comptez par exemple 1,50€ pour rejoindre la bodega depuis le centre de San Rafael.
Se rendre au canyon de l’Atuel
Nous avons hésité à opter pour une excursion, mais les avis sur internet nous ont refroidis. C’est cher (25€ par personne) et les organisateurs poussent à entrer dans des restaurants ou payer pour des activités en supplément.
Le calcul a été rapide, nous avons préféré louer une voiture pour 55€ la journée (tarif haute saison). Plusieurs agences sont dispersées dans le même quartier, près du centre. Toutes semblent fiables et sans arnaque. Nous avons choisi celle appelée Renta Car, car il lui restait une voiture disponible la veille pour le lendemain. Il est préférable de sécuriser plusieurs jours à l’avance l’été.
Nous avions aussi hésité à visiter le canyon à vélo, mais nous ne le recommandons pas vraiment. Ou alors juste pour voir le barrage et son grand lac. La suite est longue, en plein soleil, et les voitures soulèvent des ouragans de poussière.
Pour en apprendre plus sur San Rafael
Vous pouvez jeter un œil à l’article de nos collègues blogueuses Les Géonautrices, qui y ont passé un mois et demi.
c’est bien dépaysant !! Bon j’avoue, j’aime bien vos grandes randos, mais les petites villes mignonettes sont toujours plaisantes !!
On découvrait pratiquement l’Argentine, donc c’était sympa, mais c’est sûr que les articles sur la Patagonie te plairont davantage !