Explorer les rivages d’un pays en dehors de la saison touristique revient à évoluer dans une atmosphère singulière, entre bouffée d’oxygène et douce mélancolie. La côte du Monténégro ne fait pas entorse à la règle, comme le montre notre étape à Ulcinj, sur la pointe sud du pays.
Ulcinj, qui se prononce « Oulcini », est la dernière « grande » ville avant la frontière avec l’Albanie. D’ailleurs, sa population se revendique majoritairement albanaise. En témoignent les minarets par-ci par-là et les terrasses de café partout.
Cependant, à notre descente du bus, ce sont surtout les voitures qui nous marquent. Non pas parce qu’elles ont de l’âge et du swag (même si c’est parfois vrai)…
… mais parce qu’elles sont très très mal garées. C’est le sport local ! Alors si vous avez une heure à tuer, installez-vous en terrasse sur la rue principale et applaudissez l’inventivité des conducteurs.
Mais Ulcinj possède une autre particularité qui la rend vraiment charmante : sa vieille ville perchée avec élégance au sommet d’une citadelle.
La vieille ville d’Ulcinj
La citadelle d’Ulcinj est un lieu à part, où l’on oublie l’agitation des cafés, des commerces et l’anarchie parkinguesque. La légende raconte que l’écrivain Cervantès y fut gardé captif cinq années juste avant d’écrire son fameux Don Quichotte. Il y aurait même vécu un grand amour qui aurait inspiré le personnage de Dulcinée (d’Ulcinj).
Plus humblement, c’est dans la citadelle que nous posons nos sacs à dos.
Le tremblement de terre de 1979 n’a fait aucun cadeau à la vieille ville, la laissant sens dessus dessous. Des quatre cents familles qui l’habitaient, il n’en reste que quarante.
Les moyens financiers ont longtemps manqué pour sa reconstruction, mais les choses changent. Des investisseurs remettent de l’ordre dans le puzzle de pierres effondrées et engendrent de grands hôtels ou de larges restaurants, mais dans le respect de l’architecture d’origine. Ouf !
C’est très beau, mais aussi… très vide. Entre les habitants partis et la haute saison pas encore repartie, la vieille cité voit déambuler davantage de chats que de touristes.
Privilège de la basse saison, nous avons facilement trouvé un logement avec vuei, à l’extrémité de la citadelle, sur une mer tour à tour turquoise, agitée, lisse ou rosée.
Pour ceux qui auraient un peu moins de chance, le bien nommé « Sunset Beach Bar » étale ses transats quelques mètres plus bas, au pied de la muraille.
Si vous restez jusqu’au crépuscule, les murs de la vieille ville d’Ulcinj s’enflamment d’orange, avant de s’assombrir sous la lueur délicate d’une poignée de lanternes.
Côté culturel, nous restons sur notre faim puisque le petit musée de l’histoire d’Ulcinj est fermé pour rénovation. Mais en glissant la tête à travers la grille, nous apercevons sa pièce maîtresse : une église devenue mosquée après la conquête ottomane, accompagnée de son demi-minaret.
À quelques pas de là, entourée d’oliviers centenaires, l’église orthodoxe Saint-Nicolas nous ouvre ses portes. N’oubliez pas de lever les yeux pour succomber au charme de ses fresques (c’est l’amour plafonique).
Mala Plaža, la petite plage
Après le haut d’Ulcinj décontracté du parking, puis la citadelle encore ébranlée par le séisme de 1979, laissez-nous vous présenter la ville basse. Elle borde une petite plage appelée… « petite plage », ou « Mala Plaža » en monténégrin.
Disons que ce quartier est dédié à l’ambiance. La grosse ambiance estivale, avec restaurants modernes, parasols payants et parfum de monoï dans l’air. D’ailleurs, l’été, beaucoup se plaignent de la ribambelle de clubs en plein air qui poussent le volume au pied de la citadelle. Bref, Ulcinj est une station balnéaire pur jus.
Au mois de mai, nous avons droit à la version reposante, avec le simple murmure des vagues, quelques rires d’oiseaux, mais tout de même plus de vie que dans la vieille ville. Notamment sur la fin de journée, qui voit quelques habitants ressortir pour une balade à la mode albanaise.
Si les Monténégrins ont appelé cette plage « petite plage », c’est bien sûr qu’il en existe une grande. La Velika Plaža étale ses douze kilomètres à l’est d’Ulcinj et voit réapparaître chaque été des écoles de kitesurfs ainsi que pléthore de clubs de plage à la mode italienne.
Balade sur la péninsule de Jadran et le littoral
Quid de la nature méditerranéenne ? Des forêts de pins et des cigales qui cricricritent ? Vous faites bien de demander, car il existe justement une promenade appelée Ulcinj Walk qui part de la petite plage, grimpe sur la péninsule de Jadran et longe tranquillement la côte sur trois bons kilomètres.
Le premier kilomètre suit une route bitumée, qui se transforme en sentier piéton surplombant la mer, avec des pins parasols en guise de… bah de parasols.
Une petite pluie s’invite et nous force au demi-tour avant d’atteindre la pointe et son « Bar des Pirates », mais nous recommandons ce tronçon côtier !
Notre avis sur Ulcinj
Ce n’était pas une étape déplaisante, mais pas un coup de cœur non plus. Nous étions impatients de visiter une ville aux accents albanais, par nostalgie de notre voyage en Albanie, hélas nous n’avons pas vraiment retrouvé le charme du pays. Une journée peut donc suffire pour un tour dans la vieille ville, une balade sur la côte et un éventuel bain de mer si elle est chaude. Gardez juste en tête que la quiétude de basse saison laisse place l’été à la foule et aux fêtes.
Conseils pratiques pour visiter Ulcinj
Venir à Ulcinj depuis Virpazar
Un bus direct permet d’atteindre Ulcinj en 1h et pour 3€50, réservé sur busticket4.me, comme d’habitude. La gare routière d’Ulcinj se trouve à 30 minutes à pied de la citadelle. Comme il ne semble pas y avoir de bus, nous avons marché, sinon vous pouvez grimper dans un taxi (censé être moins de 5€).
Dormir à Ulcinj
Nous sommes contents d’avoir opté pour la vieille ville et ses charmantes ruelles. Nous avons aussi choisi notre logement sur le critère de la vue, et nous n’avons pas été déçus ! Il s’agit d’une maison d’hôtes appelée Apartments Susanna (~35€)i, un poil vieillotte au premier abord, avec des tapis partout et une kitchenette dans chaque studio, tenue par le couple de retraités du rez-de-chaussée. Mais la terrasse fait bien plaisir et l’emplacement est parfait, dans le coin le plus calme de la citadelle, à l’opposé des boîtes de nuit.
Manger à Ulcinj
Légère déception en ce qui concerne les restaurants de la vieille ville, qui manquent de charme et se ressemblent tous. Notre hôte nous a formellement déconseillé le restaurant Antigona, un gros attrape-touristes. Le meilleur est probablement Taphana.
Dans la ville moderne, nous avons apprécié La Tavola, un italien qui sert de belles portions, notamment de très bonnes pâtes aux légumes. L’intérieur est non fumeur, c’est suffisamment rare pour être signalé.
En restant trois jours entiers, nous avons fini par cuisiner dans notre studio, en complétant avec des bureks. Plusieurs boulangeries de la rue Hafiz Ali Ulqinaku en préparent de bons, ainsi que des petits pains briochés.
Poursuivre vers l’Albanie
Un bus part de la gare routière d’Ulcinj à 12h30 et rejoint Shkodër en 1h15 de trajet.