Il reste une dernière étape de notre voyage en Grèce continentale à vous présenter. Elle n’est pas très connue, pas entourée d’eau turquoise, n’a pas de monastère perché au-dessus du précipice, et pire, c’est la capitale de l’Épire. Toutefois, en plus de représenter une excellente base logistique pour partir randonner dans les Zagoria, elle offre largement de quoi s’occuper une journée, voire deux pour les moins pressés. Mesdames, messieurs, et vous les enfants, laissez-nous vous présenter Ioannina. Ou Janina, c’est pareil.
Au programme : des ruelles animées, quelques mosquées rescapées, une fausse acropole, une île tourmentée et une promenade souterraine.
Et puis, chose non négligeable sous la fournaise de l’été : Ioannina est l’une des villes les plus fraîches de Grèce, grâce à son lac Pamvotis et à ses 500m d’altitude.
À la découverte des ruelles de Ioannina
Oubliez les grandes villes grecques avec deux fois plus de voitures garées que de places de parking, Ioannina est une bourgade qui préfère l’agitation piétonne et qui est même plutôt douée en cela. Grâce au regain d’espace, les passants se prélassent, les petits vieux jacassent et les cafés terrassent.
Grèce moderne et Grèce un peu plus âgée se mélangent sur d’autres aspects. Des bornes d’arcade au pied des remparts, des jeunes qui occupent leurs doigts avec des komboloïs (chapelets grecs), des cafés modernes installés dans de vieilles échoppes…
D’ailleurs, certaines rues du centre de Ioannina restent imprégnées d’une atmosphère de vieux bazar aux accents ottomans.
Anexartisias, que nous avons surnommée « rue de la déglingue », en est le meilleur exemple et mérite un crochet.
Derrière les remparts : vieille ville et acropole
Pour approfondir notre exploration du passé, nous passons deux têtes puis quatre pieds par une porte de la citadelle.
L’accès au plus vieux quartier de Ioannina a beau être libre et gratuit, la foule disparaît subitement. Nous déboulons dans un dédale de ruelles résidentielles, sages comme des cartes postales d’époque.
Nous résistons à l’appel du demi-tour pour trouver, au fond de cette fortification, une nouvelle enceinte appelée Its Kalé ou parfois l’acropole. Mais elle n’a d’acropole que sa légère surélévation, l’Antiquité ne nous a pas laissé un seul caillou en souvenir. C’est un Normand sur la route des croisades qui aurait posé la première pierre, avant qu’Ali Pacha ne renforce le tout et ne l’agrémente de monuments.
Qui était Ali Pacha, nous demanderez-vous ? Nous vous répondrons qu’il s’agissait d’un Albanais de naissance qui, à coup de ruses, d’alliances et de têtes coupées gravit les échelons de l’Empire Ottoman, jusqu’à s’octroyer un pouvoir total sur une large province et faire de Ioannina sa capitale.
Autour du baldaquin tombal d’Ali, se trouvent la mosquée Fethiye (gratuite), les ruines d’un palais, une tour endommagée, un musée byzantin et un autre dédié à l’orfèvrerie. Un billet commun est vendu 6€, nous nous contentons d’admirer les extérieurs.
En nous éloignant de cette pas-vraiment-acropole, nous filons vers la mosquée Aslan Pasha, du nom d’un autre pacha. Deux mosquées dans une ville grecque ? C’est surprenant. Les mosquées de Ioannina doivent en fait leur survie à l’arrivée tardive de l’Épire au sein des frontières grecques et à la désacralisation des bâtiments (en musée ethnographique pour Aslan Pasha).
L’extérieur de la mosquée est en travaux, tout comme son cimetière où des archéologues sont littéralement en train de sortir des squelettes sous nos yeux.
Ces fouilles sont presque plus intéressantes que l’intérieur (2€), qui classifie un tas de vieilleries par communauté : musulmane, chrétienne et juive.
Bords du lac Pamvotis et île de Ioannina
L’acropole qui-n’en-est-pas-une et la mosquée qui-ne-l’est-plus sont suffisamment élevées pour admirer le lac Pamvotis par-dessus les remparts.
Mais autant s’en approcher directement !
La mosquée Aslan Pasha, vue depuis le lac
Si le romantisme avait une adresse à Ioannina, ce serait la rue Dionisiou Filosofou au pied de la citadelle, avec sa promenade sous un cortège de platanes.
L’ambiance ici, avec tous les âges qui se partagent la rue, nous rappelle l’Albanie. Ce n’est peut-être pas un hasard, la frontière est proche.
L’auteur de cette statue, Theodoros Papagiannis, propose paraît-il un superbe musée à 40min de bus de Ioannina
Il est possible de poursuivre la promenade au nord-ouest et de s’attabler au bord de l’eau (voir nos adresses en fin d’article).
Mais le mieux reste de monter dans un bateau vers l’île de Ioannina. Comptez 5€ l’aller-retour et un départ toutes les trente à soixante minutes.
Nous débarquons alors dans un petit port où barques, toits en lauze, bosquets de roseaux et canards cohabitent en paix.
Il s’agit d’un véritable village, avec épiceries et pharmacie, mais très touristique. Chaque restaurant a son rabatteur et les boutiques de souvenirs sont au nombre de trop. Cela doit être un peu oppressant en haute saison.
Nous trouvons refuge dans les arrières-ruelles de l’île où les pots de fleurs poussent en paix. Nous croisons partout des flèches vers des monastères, entrons dans deux d’entre eux, pour finir chez Ali Pacha, et plus précisément dans un musée à sa gloire (3€50).
Sur les murs, des dizaines de tableaux représentent le bon vieux tyran et sa barbiche, sur toutes sortes de gros coussins moelleux. Quel pacha cet Ali.
Manque de pot, c’est sur cette île retranchée que sa tête fut… tranchée. Lui qui avait imaginé des ruses toute sa vie, il s’est laissé piéger par la dernière.
Souvenez-vous, Ali régnait en maître sur l’Épire. Or cette autonomie autochtone autoproclamée ôtait l’autorité ottomane. Le sultan se sentit insulté, la situation empira, l’Empire se fâcha, le pacha ne lâcha pas, l’Épire se rebella, l’Empire contre-attaqua et Ali Pacha se cacha. Vous suivez ? Et puis un jour, pensant recevoir des émissaires qui lui apportaient le pardon du sultan, il leur ouvrit la porte. Il s’agissait de tueurs. Couic !
Une déambulation sur la rive est, la plus apaisante de l’île, nous remet les émotions en place.
Grotte de Perama : 20 000 pieux sous la terre
Cette dernière visite se trouve hors de Ioannina, au nord du lac, mais un bus nous approche en vingt minutes. La grotte de Perama est réputée pour le nombre de stalactites et stalagmites qu’elle abrite. Nous ne prenons pas trop le temps de les compter, mais c’est fichtrement impressionnant !
Ce qui est sûr, c’est que nous avons fait notre plus long voyage dans le ventre de la Terre, plus d’un kilomètre et 600 marches.
Les archéologues n’ont trouvé aucune trace humaine, en revanche ils sont tombés sur le squelette d’un énorme ours. L’espèce est éteinte, vous ne craignez rien.
Nous refaisons surface un peu plus loin, avec en cadeau bonus une marche retour panoramique.
Comptez 8€ pour la visite guidée avec explications en grec et anglais et apportez un petit pull. Le bus n°16 mène à Perama et ses horaires sont exacts sur Google Maps (1€70, le chauffeur accepte la CB). Des bateaux rouges semblent aussi faire le trajet depuis Ioannina, assortis d’un petit train pour le dernier tronçon.
Notre avis sur Ioannina
Si Ioannina n’est pas l’étape la plus passionnante de Grèce en termes de visites, nous avons quand même apprécié cette ville agréablement animée, ses paysages d’une grande sérénité et sa dimension ottomane très marquée.
Conseils pratiques pour visiter Ioannina
Arriver et repartir
Ioannina pourrait sembler isolée de tout sur une carte, mais de nombreux bus KTEL la relient au reste de la Grèce continentale. Nous avons ainsi mis 3h30 depuis Thessalonique et nous en sommes repartis en direction d’Igoumenítsa (1h30) pour y attraper notre ferry retour vers l’Italie.
Dommage que les bus ne soient pas aussi fréquents pour rallier les villages des Zagoria depuis Ioannina.
Se déplacer dans Ioannina
La ville étant petite, le centre se parcourt bien à pied. Même la gare routière KTEL est à moins d’un quart d’heure. Nos deux exceptions étaient le bateau pour l’île et le bus pour la grotte.
Dormir à Ioannina
Nous nous sommes excentrés un poil de l’archi centre pour dormir chez Sezamei, et cela valait le coup. Nous avions un joli studio avec balcon, tout confort, calme et propre. Le gérant, souriant et attentionné, se démenait et il semble possible de tout lui demander. Par exemple, il s’est cassé la tête pour nous trouver un taxi à bon prix et a gardé nos bagages pendant nos quatre jours de randonnée dans les Zagoria.
Manger à Ioannina
Parlons enfin de choses sérieuses ! Nous pensions trouver dans cette ville peu touristique les tables les moins chères de notre séjour, mais ce n’était pas le cas. Nous avons quand même quelques adresses à conseiller :
- Pour un burger sur le pouce, rendez-vous chez Folk qui installe 2-3 bancs dans une ruelle piétonne. Options vegan et très bonnes frites de patates douces.
- Le restaurant Μυσταγωγία propose des mezzés assez classiques, servis sur une belle terrasse au bord du lac. Les meilleures tables partent évidemment assez vite. Réservez, surtout en soirée.
- Et notre resto préféré, trouvé par miracle le dernier soir, s’appelle Epikero. Il s’agit ici aussi de choisir dans une liste de mezzés à partager, nombreux, savoureux. Goûtez l’imam, il est à s’évanouir !
Derniers conseils en vrac sur Ioannina
Il est possible de laisser ses bagages dans les grands casiers de la consigne de la gare routière (2€). Pratique pour visiter Ioannina avant son ferry nocturne à Igoumenítsa, mais insuffisant pour trekker dans les Zagoria, car limité à 24h.
Nous avons aussi repéré des loueurs de vélos pour ceux qui souhaitent se lancer dans un tour du lac.
Enfin, il existe de nombreuses excursions sportives au départ de Ioannina, en particulier autour du rafting et de la randonnéei.
