« Fascinante » est le premier mot qui nous vient en tête pour décrire Istanbul. Point de rencontre entre l’Europe et l’Asie, riche d’une histoire sans pareil et classée parmi les plus grandes cités du monde depuis l’Antiquité, cette ville ne pouvait pas parvenir jusqu’à nous simple et banale. Elle est TOUT sauf simple et banale.
Istanbul est aussi une ville très agréable à visiter. Elle a la particularité d’être à la fois intense et… pleine de douceur. À deux pas des quartiers agités et des hordes de touristes époustouflés, l’horloge ralentit et la vie devient caresse. On se faufile entre les chats assoupis, on monte sur un bateau comme on prendrait le bus, on attend paisiblement que le marc de café se dépose, on laisse fondre sur la langue l’aubergine ou le miel, on s’assied sur les berges pour écouter les muezzins chanter…
Et puis sa beauté, parlons-en ! Reflétée dans les eaux du Bosphore et de la Corne d’Or qui la scindent en trois, hérissée de minarets effilés qui dépaysent en un instant, survolée par des tourbillons de goélands, Istanbul est un poème dont les vers se font plus ardents à chaque coucher de soleil.
Cette ville nous avait déjà hypnotisés le temps d’un court voyage. Treize ans plus tard, nous lui accordons une douzaine de jours, avec l’envie de prendre le temps de l’exploration et de la contemplation.
Le préambule d’Istanbul
Istanbul n’est pas juste une ville qui se visite, c’est aussi une ville qui se vit. D’ailleurs, le fameux et architouristique quartier de Sultanahmet nous a semblé le moins typique et le plus aseptisé, distributeur de décors à selfies et de baklavas à prix de pacha.
Nous vous encourageons à vous excentrer, à partir à la chasse aux différences culturelles, à dévorer les scènes de rue et à feuilleter l’interminable catalogue de surprises culinaires. La suite de cet article ne sera pas un top 10, 20 ou 50 des choses à voir absolument à Istanbul, mais une invitation à la promenade, quartier par quartier, entrecoupée de conseils de bonnes adresses pour admirer les vues, se régaler ou se reposer.
S’écarter des pavés battus aide aussi à faire connaissance avec les Turcs, qui ont la gentillesse et la culture de l’accueil sur le cœur. Nous nous sommes par exemple retrouvés invités à visiter Istanbul by night dans le bus vide d’un conducteur en fin de service.
En parlant de transports, la ville est vaste mais parfaitement organisée pour une exploration à pied en complétant avec des sauts en bus, tramway, métro et surtout bateaux. Fréquents et bon marché, les ferries publics offrent de superbes vues dans un délicieux mélange de romantisme et de volutes de gazole.
À l’inverse, nous avons trouvé les tarifs des monuments excessifs. Prévoyez soit de venir avec un porte-monnaie conséquent, soit d’opter pour les alternatives moins onéreuses que nous allons tâcher de vous suggérer.
Dernier conseil avant de vous lâcher dans la nature : faites de la place dans vos estomacs, car vous ne saurez où donner de la mâchoire. Ou alors imitez les Turcs, qui ont résolu le dilemme en faisant du petit déjeuner leur repas préféré, salé et copieux. Libérés de la pression d’ingérer deux autres gros repas, ils laissent ensuite papillonner leurs papilles entre mille et une propositions d’en-cas sucrés, salés, grillés, glacés, patatés, pistachés, sésamés…
- Eminönü et les bazars d’Istanbul
- Sultanahmet, le cœur du tourisme d’Istanbul
- Karaköy et Galata, de l’autre côté de la Corne d’Or
- Çukurcuma, ruelles animées aux accents vintages
- Karaköy côté Bosphore et mini-croisière
- Beşiktaş et le palais de Dolmabahçe
- Ortaköy et sa mosquée sur l’eau
- Les pittoresques Balat et Fener
- La colline Pierre Loti
- Kadiköy, sur la rive asiatique
- Mosquée Çamlica et colline éponyme
- Üsküdar et le palais de Beylerbeyi
- Îles des Princes
- Notre avis sur Istanbul
- Conseils pratiques pour visiter Istanbul
1. Eminönü et les bazars d’Istanbul
Nous commençons cette présentation d’Istanbul par Eminönü, le quartier le plus central de la ville. C’est un peu l’équivalent de Châtelet-les-Halles à Paris, carrefour de nombreux bus, tramways ou bateaux et ancien cœur commercial d’Istanbul.
Vous serez immédiatement plongés dans l’ambiance, frôlés par deux cents passants à la minute, entourés de hauts minarets, de goélands et de chariots de maïs grillé.
À l’emplacement le plus stratégique, se dresse le Bazar Égyptien, aussi connu comme le bazar aux épices. Il mérite une visite pour son intérieur soigneusement rénové et ses mottes d’aromates et tisanes joliment disposées. Mais avant de passer à l’achat, sachez que les prix sont quatre fois supérieurs aux boutiques similaires du quartier. Et n’oubliez pas de marchander, c’est la règle !
L’un de nos péchés mignons est le loukoum. Mais attention, pas le cube enfariné de sucre glace. Non non, nous parlons des loukoums roulés, généreusement garnis de chocolat, noisettes, pistaches ou autres délices. N’hésitez pas à demander des découpes pour varier les saveurs.
La star des bazars est bien entendu le Grand Bazar, qui pourrait s’appeler l’immeeeeeeeense bazar. Nos yeux n’en reviennent pas du nombre de boutiques, plus de trois mille, et de la surabondance de bijoux, vêtements, céramiques, parfums, lampes, antiquités, bonbons, le tout sous de jolis plafonds peints. Écartez-vous rapidement des allées principales pour découvrir l’ambiance des ruelles moins passantes, où les marchands de tapis font la sieste entre deux tasses de thé.
Dans les souvenirs de notre précédent voyage à Istanbul, chaque pas déclenchait un nouvel alpagage. Nous trouvons cette année le bazar étrangement apaisé, ce qui n’est pas pour nous déplaire.
Le bazar se poursuit en plein air dans les ruelles serrées des pentes d’Eminönü. Nous retrouvons un poil moins de souvenirs, un cheveu plus de boutiques à destination des Turcs : bonneterie, magasin de peluches géantes, torréfacteur…
Nous en profitons pour visiter la petite mosquée Rüstem Pacha du bas des pentes, appréciée des vendeurs du bazar et tout en carreaux de faïences aux délicats motifs bleutés. L’entrée n’est pas facile à trouver, cherchez un discret escalier qui indique camii (mosquée).
Adresse 🫖 : Une autre façon de reprendre ses esprits après d’éreintantes négociations est de savourer un çay (thé) au Beta Yeni Han, un ancien caravansérail rénové, oasis de calme au milieu de l’agitation.
Plus haut dans le quartier, nous visitons également la mosquée Süleymaniye. Le nombre de minarets a toute son importance en Turquie et celle-ci en a quatre. C’est dire son prestige vis-à-vis des mosquées à une ou deux flèches, mais c’est moins que les six de la fameuse Mosquée Bleue. Pour continuer dans les chiffres, elle reste treize impressionnante avec ses vingt-huit dômes et zéro file d’attente.
Pour compléter le spectacle, la vue est superbe depuis l’esplanade, au-dessus d’une nouvelle forêt de dômes appartenant au hammam, à l’hôpital et aux écoles coraniques qui l’entourent.
2. Sultanahmet, le cœur du tourisme d’Istanbul
À trois pas d’Eminönü, le quartier de Sultanahmet reste un incontournable malgré ses airs de parc à thème pour touristes. Au milieu des vendeurs de simit, ces anneaux de pain brioché au sésame, deux énormes mosquées se font face : Sainte-Sophie et la Mosquée bleue. Les visites vous demanderont une bonne patience tant les files sont longues, surtout lorsqu’un débarquement de croisiéristes s’en mêle.
Honneur à Sainte-Sophie, doyenne à la vie bien remplie. D’abord plus grande église du monde pendant mille ans, elle fut transformée en mosquée à la chute de Constantinople. Un croissant de lune au sommet et quatre minarets, pouf, le camouflage est parfait.
Même le nom a pu être conservé, turquisé en Ayasofya, puisque Sophie n’est pas une sainte chrétienne, mais une erreur de traduction pour « sainte sagesse ».
Lors de notre visite fin 2023, la mosquée se visitait gratuitement. Le bon plan consistait à s’y rendre en fin de soirée, lorsque la file d’attente s’évanouissait et que l’intérieur s’illuminait. Hélas, depuis 2024 l’accès pour les non musulmans est restreint au balcon supérieur et soumis au tarif (assez exorbitant) de 25€.
Pour vous consoler si vous n’avez pas le budget, dites-vous que les mosaïques byzantines qui la décoraient sont à nouveau recouvertes depuis peu. Et en guise d’alternative, il existe une autre « mosquéglise » proche, gratuite et sans file d’attente appelée Mosquée Petite Sainte-Sophie, autrefois Eglise des Saints-Serge-et-Bacchus. Nous ne l’avons pas visitée, le tuyau nous a été fourni par des lecteurs.
Il est temps de lui tourner les talons et de visiter la Mosquée Bleue juste en face.
Personnellement, nous aurions choisi un autre surnom pour la Mosquée Bleue. Il faut chercher longuement pour découvrir une pointe de cobalt sur les faïences de ses murs intérieurs. Cela n’enlève rien à la finesse des détails et au génie architectural, qui laissent flotter un grand calme empreint de respect.
L’entrée de la Mosquée Bleue est gratuite, en revanche la file d’attente est décourageante. L’astuce serait de s’y rendre peu avant la fermeture de 20h si les horaires de prières du jour (voir ici) le permettent. De notre côté, coup de chance, nous bénéficions d’un petit créneau avant un appel du muezzin, avec une file toute rétrécie.
La Citerne Basilique est un autre monument emblématique du quartier de Sultanahmet, qui décidément collectionne les merveilles. Imaginez une immense salle souterraine, soutenue par une forêt de colonnes aux formes variées et parfois surprenantes, probablement chapardées sur des temples grecs.
À l’époque, la plus grande ville du monde prenait grand soin d’acheminer de l’eau en abondance, construisant aqueducs et citernes à tour de bras.
Une passerelle permet d’en faire le tour sans enfiler sa bouée canard, et les lumières varient à la façon d’une discothèque au ralenti, pour mieux admirer les détails.
Seul hic, le tar-hic-if a doublé après notre passage pour atteindre 800 Livres (23€). L’alternative est la citerne de Theodosius, moins grande, un peu moins chère (17€), beaucoup moins bondée et égayée d’une projection à 360° chaque heure.
Enfin, c’est toujours dans le quartier de Sultanahmet que se situe le plus impressionnant palais d’Istanbul, le Palais de Topkapi, ancien siège de l’Empire Ottaman. L’accès à la première enceinte est gratuite, mais nous n’allons pas plus loin faute de budget, 43€ début 2024 ! Et encore, ce tarif, exclut certaines parties, qui demandent quelques pépètes de plus. Les files d’attentes ont également mauvaise presse, surtout en haute saison.
Nous nous rabattons sur une alternative moins top qu’Api, mais compatible avec notre bourse : le palais de Beylerbeyi sur la rive asiatique. Nous en reparlons plus bas.
Adresse ☕️ : La terrasse du restaurant Seven Hills est idéalement placée pour photographier les deux mosquées. Les prix sont un peu élevés, mais un café suffit pour gagner l’accès. Vous pourrez même vous amuser à nourrir les goélands en plein vol avec du pain mis à disposition.
Free Walking Tour🚶♀️: Nous avons appris un paquet d’autres faits historiques et d’anecdotes actuelles en suivant ce tour guidé de Sultanahmet (en anglais), très intéressant et présenté par une guide survoltée, qui mime tout ce qu’elle raconte. Nous recommandons !
3. Karaköy et Galata, de l’autre côté de la Corne d’Or
En face d’Eminönü, le pont qui enjambe la Corne d’Or avec la tour de Galata en ligne de mire s’appelle tout simplement Pont de Galata. Avec sa ribambelle de pêcheurs et sa position stratégique pour admirer la ville, c’est presque un monument en soi.
Le pont possède sous l’étage des voitures un alignement de restaurants de poissons on ne peut mieux situés pour le coucher de soleil. Résistez à la tentation, beaucoup sont des attrape-touristes notoires.
De retour sur la terre ferme, vous entrez dans Karaköy, vaste quartier qui s’étend sur la rive nord de la Corne d’Or, anciennement appelé Galata. Ne vous y trompez pas, vous êtes encore du côté européen d’Istanbul. Pour résumer Karaköy en quinze mots, on ne vient pas ici pour visiter des monuments mais pour profiter de l’ambiance. Ou plutôt des ambiances, multiples et hétéroclites.
En partant vers la gauche après le pont de Galata, nous rejoignons le coin des romantiques, assis sur les quais pour admirer le soleil qui descend s’embrocher sur les minarets. C’est notre point de vue préféré sur Istanbul, à déguster avec un petit pique-nique.
En approchant de la Tour de Galata, c’est la marée haute touristique. La file d’attente nous rebute et le quartier ne nous émeut pas beaucoup. C’est une mi-déception.
Adresse ☕️ : Nous zappons la grimpette au sommet de la tour de Galata et la remplaçons par un café avec vue. Le rooftop du Galata Konak Café est sympa pour cela, avec Sultanahmet en toile de fond. Nous avons hésité avec celle de l’hôtel Anemon, plus collée à la tour, mais sur une gamme de prix supérieure.
Au nord de la tour de Galata commence la longue rue Istiklal, souvent comparée aux Champs-Élysées mais nettement plus piétonne. En semaine, rien de particulier à signaler si ce n’est quelques belles façades et la profusion de boutiques. Les soirs et le week-end, un immense défilé de Stambouliotes s’ajoute, la rue est méconnaissable !
C’est l’occasion de goûter par exemple une glace turque, spécialité de la région de Kahramanmaraş dans le sud du pays. Encore faut-il réussir à l’attraper !
À son extrémité, Istiklal déboule sur la large place Taksim, lieu phare de toutes les manifestations, mais sans grand intérêt touristique.
Ce que nous préférons de Karaköy, ce sont les ruelles qui montent et descendent, peuplées de petites boutiques, de gamelles remplies de croquettes et de chats repus. Les alentours non immédiats de la Tour de Galata ressemblent à cela. Ou encore, si vous avez du temps et l’âme vadrouilleuse, visitez le quartier suivant, celui de Çukurcuma.
4. Çukurcuma, ruelles animées aux accents vintages
Çukurcuma est un sous-quartier de Karaköy un peu moins touristique, dont les ruelles resserrées mettent en valeur de jolies boutiques et de bons restaurants. Une belle découverte ! Avec un nom aussi mignon, il ne pouvait pas en être autrement.
Les rues sont calmes, mais nous ne sommes pas seuls non plus. Nous les partageons avec des collectionneurs et des statues, Çukurcuma étant le quartier général des antiquaires.
Adresses 🍽️ : Nous avons testé deux restaurants par ici.
- Limon Kahvaltı Evi sert exclusivement des petits déjeuners sur une jolie terrasse. C’est ici que nous découvrons la formule turque du kahvalti, où plein de petits plats atterrissent sur la table, sel et sucre confondus.
- Nous gardons un encore meilleur souvenir de Vegan Dükkan Lokanta, qui sert entre autres des manti (raviolis turcs) suuuuuuper bons et une redoutable soupe de légumes du jour aromatisée à l’aneth.
C’est aussi dans le quartier de Çukurcuma que se trouve le Musée de l’innocence, pour les fans du livre du même nom par Orhan Pamuk.
5. Karaköy côté Bosphore et mini-croisière
La rive à l’est de Karaköy, celle qui donne sur le Bosphore, est à viser si vous cherchez de l’animation en soirée. Rendez-vous autour de la ruelle Kılıç Ali Paşa Mescidi, colonisée par des dizaines de bars et restaurants plus trendy les uns que les autres.
Adresse 🍽️ : Nous avons dîné chez Kikirik, dans un coin plus calme du quartier, avec de belles options végétariennes, notamment un perdeli pilav aux champignons, spécialité turque qui ressemble à un gâteau salé fourré au riz.
Plus près du Bosphore, un immense centre commercial flambant de mille feux, aseptisé et sécurisé est assorti d’un quai spécialement conçu pour que les croisiéristes garent leurs énormes paquebots. Ou comment effacer l’esprit d’Istanbul à la bétonnière.
Nous aussi avons tenté une croisière, mais dans un style nettement moins luxe. Depuis le terminal de Kabataş plus au nord, décollent des tours en bateau sur le Bosphore qui permettent d’admirer les nombreux palais, mosquées et forteresses bâtis les pieds dans l’eau du détroit. Les horaires sont disponibles ici, la durée est d’1h15 et le tarif d’environ 5€ est honnête. Le vendeur de boissons et salades de fruits l’est moins, refusez tout de lui.
Notez qu’il existe des alternatives d’excursions plus confortables, sur une durée plus longue (2h30) et avec un meilleur accueil. Par exemple cette croisière-cii.
6. Beşiktaş et le palais de Dolmabahçe
Apercevoir la côte depuis le Bosphore ne nous a pas suffi. Une vingtaine de minutes de bus nous ramène un jour suivant dans le quartier de Beşiktaş, serré et grouillant comme un centre-ville décentralisé.
Les ruelles qui montent ne manquent pas de scènes à observer, avec de nombreuses boutiques de la vie de tous les jours, des tas de cafés remplis de jeunes et zéro touriste. Ah si, nous deux.
Nous tombons, très surpris, sur le mausolée de Barberousse. Le terrible corsaire, cauchemar des côtes méditerranéennes, est ici érigé en héros avec également une statue, une place et un boulevard à sa gloire. Question de point de vue !
Et puis, Beşiktaş est le quartier du fameux Palais Dolmabahçe, véritable Versailles-sur-Bosphore. Les critiques sont unanimes, l’intérieur est grandiose, mais nous ne l’avons pas visité car… bah… 34€ quoi.
En plus de ruiner ses visiteurs, il aurait aussi ruiné et conduit à sa chute l’Empire Ottoman à cause du coût de sa construction et la profusion de décorations en or véritable. Pour une alternative moins risquée, continuez de scroller jusqu’au palais de Beylerbeyi.
7. Ortaköy et sa mosquée sur l’eau
Nous enchaînons avec le quartier d’Ortaköy encore un peu plus loin. Pour ceux qui préfèrent le bateau au bus, il existe cette ligne qui relie Eminönü à Beşiktaş puis Ortaköy. Ce mini quartier touristique et charmant est connu pour deux choses qui sont un peu les opposées l’une de l’autre.
La première est la mosquée d’Ortaköy, posée sur le quai telle une offrande au Bosphore, à l’extérieur finement ciselé et à l’intérieur décoré comme un palais, que nous avons adorée.
La deuxième est… une patate. Ortaköy est réputé pour sa krumpir, une énorme pomme de terre que le vendeur fourre sous vos yeux avec les aliments que vous pointez du doigt. Nous adorons le concept, un peu moins la sélection de garnitures. Qui a envie de betteraves, cornichons ou petits pois dans une patate chaude ?
8. Les pittoresques Balat et Fener
Retour en arrière pour vous présenter Balat et Fener, deux quartiénounets collés l’un à l’autre avec une frontière un peu floue.
C’est ici que nous avons dormi pendant la moitié de notre séjour à Istanbul, avant de déménager sur la rive asiatique. Mais même si vous logez ailleurs, n’hésitez pas à passer les admirer. Ils sont adorables comme tout, colorés et donnent la priorité aux piétons. Et aux chats.
Fener, pour commencer, était un quartier majoritairement grec avant le grand échange de population de 1923. Il en reste un majestueux collège grec orthodoxe en briques rouges, perché comme une Acropole.
Le siège du patriarcat de Constantinople fait aussi de la résistance, en souvenir d’une époque où il régissait une communauté de millions de fidèles orthodoxes, réduite à peaux de chats bruns. Il est possible de visiter sa cathédrale Saint-Georges.
Balat est quant à lui un ancien quartier juif, comme le prouvent quelques synagogues fermées à la visite.
L’un comme l’autre ont conservé de vieilles maisons pleines de cachet, plus ou moins rénovées, qui leur valent un regain d’attention touristique. Les boutiques évoluent, mais pas partout. Il reste de nombreux coins où le fourgon du vendeur d’ail promène son parfum, où les papis turcs passent des heures au café, où le réparateur de miroir conjure les mauvais sorts et où le « koaför » fait sécher les serviettes devant son salon.
Notre partie préférée de Balat est une sorte de bazar en plein air (par ici) qui aligne des dizaines de boutiques bien serrées.
Le mardi, un marché alimentaire appelé « Sali Pazari » vient compléter l’ambiance, avec ses choux énormes et ses artistes de la présentation de légumes.
Côté cuisine, c’est à Balat que nous découvrons les gözleme, de délicieuses crêpes fourrées qui fondent dans la bouche…
… ainsi que les menemen, des œufs brouillés façon shakshuka dont les Turcs sont adeptes au petit déjeuner.
Adresse 🍽️ : Pour le petit déjeuner, nous recommandons le restaurant Kaffa Miro installé dans une vieille maison (qui se visite). Le patio est joli et les recettes d’œufs comme le menemen sont très bonnes. Le patron, sympa, a pris le temps de nous donner des cours de turc.
9. La colline Pierre Loti
Depuis Balat, si vous avez deux heures à tuer, vous pouvez pousser en tramway jusqu’à la colline Pierre Loti, nommée d’après un écrivain français fan à la fois d’Istanbul et des vues depuis le sommet. Vous avez le choix entre un « Teleferik » rapidement bondé le week-end ou une grimpette de quinze minutes dans un cimetière vieillissant hanté de chats sauvages.
Là-haut, une maisonnette remplie de vieilles gravures et de photos de Pierre Loti se visite, un café offre de belles tables et… voilà. Nous restons un peu sur notre faim.
10. Kadiköy, sur la rive asiatique
À Istanbul, on change de continent comme on prend le métro. Ou plus poétiquement en un coup de bateau. C’est en Asie que nous logeons toute la deuxième moitié de notre séjour à Istanbul, avec grand plaisir. Certes, cette rive collectionne moins de monuments et d’immanquables, mais elle est intéressante dans un autre genre.
En particulier, nous aimons beaucoup notre quartier de Kadiköy. Pour deux jours de tourisme à Istanbul, ce n’est peut-être pas la meilleure option. Il vaut mieux trouver un oreiller proche des vieilles pierres de la rive européenne. En revanche, ce köy (village) est un excellent cadre pour ralentir. Nous nous serions parfaitement vus y poser nos valises quelques mois !
Parmi ses forces, il y a son animation, ses rues piétonnes, sa mosaïque de restaurants, cafés et commerces et son ambiance détendue.
Puisqu’il n’y a pas grand-chose à visiter, nous allons partager nos conseils pour bien boire et manger, à toute heure de la journée. À commencer par la matinée, lorsque la jeunesse turque descend en nombre dans les cafés de Kadiköy, en particulier le week-end. Ils commandent des kahvalti aux dizaines de saveurs, arrosés de tasses de thé qu’une serveuse vient reremplir toutes les cinq minutes. Et ne commettez pas l’impair de commander un café, ouh là là non, kahvalti signifie « avant le café ».
Adresse 🍽️ : Nous recommandons fortement la jolie terrasse de Müjgan Yeldeğirmeni. Les serveuses proposent plusieurs formules de kahvalti très appétissantes (dont une vegan), qui déboulent sur des plateaux plus larges que les tables !
Pour digérer, une petite promenade s’impose, suivie d’une petite pause. Pourquoi pas dans ce petit café, avec ses petites tables, ses petites chaises et ses petits vieux qui profitent de l’ombre une grande partie de la journée ?
Normalement, votre appétit est encore en grève. Mais si jamais vous avez un vortex à la place du ventre, vous pourrez l’apaiser avec une recette du sud-est de la Turquie qui se mange (presque) sans faim : le çiğköfte. Traditionnellement préparé avec de la viande crue, c’est désormais une pâte végétale à base de boulgour, noix et épices qui la remplace pour des raisons d’hygiène. Marul en prépare de très bons.
L’après-midi, quoi de plus turc qu’un jeu de société sur un coin de terrasse ombragée ? Si vous êtes deux, cherchez un Backgammon. À quatre, trouvez plutôt un Okey, le proche cousin du Rummikub. Et visez les vieux cafés traditionnels, mieux équipés que les modernes.
À l’approche du coucher de soleil, c’est vers la rive que nous vous conseillons de dériver. Par ici, le Bosphore s’élargit au point de devenir une mer, la Mer de Marmara. Vous ne serez pas seuls, entourés de Turcs qui s’installent dans l’herbe, romantisent, caressent des chats, pédalent, sirotent des bières ou grignotent les pépites distribuées par les marchands ambulants.
Adresse 🍽️ : À quelques pas de là, nous vous recommandons le simple mais délicieux resto égyptien, pour changer de la nourriture turque. Car un autre point fort de Kadiköy est sa grande variété de restaurants.
Pas encore fatigués ? Vous trouverez très facilement où prendre un verre en soirée. Le quartier rameute la foule, surtout le week-end. Mais toujours dans une ambiance à la turque, calme et posée !
11. Mosquée Çamlica et colline éponyme
En un coup de bus depuis Kadiköy, nous rejoignons l’immense mosquée Çamlica, inaugurée en 2019. À la manière des sultans d’antan, le président Erdoğan et son égo ont tenu à laisser derrière eux la nouvelle plus grande mosquée du pays. Et pour être sûrs qu’elle soit bien visible, ils ont choisi le sommet de la colline Çamlica.
Le résultat est impressionnant, calqué sur l’architecture ottomane, mais assemblé avec les moyens du XXIe siècle : des dizaines d’ascenseurs, un parking souterrain et des dimensions XXL.
Le parc qui l’entoure est prisé des familles, avec tables de pique-nique, jeux pour enfants, cafés et belles vues. Nous y attendons le coucher de soleil et le réveil des muezzins, qui recouvrent la ville de leurs chants mélo-pieux.
12. Üsküdar et le palais de Beylerbeyi
Nous allons enfin visiter un palais à Istanbul ! Le palais de Beylerbeyi est plus modeste que Topkapi ou Dolmabahçe, mais bien moins cher (10€).
Les photos intérieures sont interdites, alors il va falloir imaginer l’enfilade de pièces somptueusement décorées du sol au plafond, les couleurs surprenantes, la finesse des détails, les meubles inestimables et les bassins de marbre, dans un grand chassé-croisé de styles orientaux et occidentaux.
Le jardin est aussi bien agréable pour regarder le chassé-croisé des bateaux sur le Bosphore.
Le palais est collé à un quartier appelé Kuzguncuk, réputé pour son ambiance bohème, artistique et intellectuelle. Nous avons surtout été surpris par ses belles maisons de bois colorées et…
… la foule qui vient s’y promener le week-end ! La rue principale et ses dizaines de cafés étaient bondés de milliers de siroteurs attablés.
13. Îles des Princes
Le dernier de nos jours à Istanbul, nous optons pour une virée aux Îles des Princes, disséminées à une quinzaine de kilomètres d’Istanbul. Et parmi elles, nous visons la plus grande, l’île de Büyükada. Les horaires de ferries sont disponibles ici, la traversée coûte 45 livres (1,30€), avec vue sur les autres îles en chemin et sur la skyline d’Istanbul qui semble infinie.
L’arrivée sur Büyükada se fait par le port d’Adalar, une petite ville bondée de restaurants et de stands de nourriture. Pas de doute, nous sommes toujours à Istanbul ! La bonne surprise, c’est que les véhicules à moteur sont bannis de l’île, ainsi que les calèches depuis récemment. Il ne reste que des engins électriques à une, deux, quatre, vingt places, et des vélos qui peuvent se louer.
De notre côté, nous choisissons de visiter l’île à pied. À peine le centre-ville est-il derrière nous, que les rues s’emplissent de vieilles villas au style… très British. Nous ratons la saison des mimosas, mais attrapons celle des bougainvilliers, ce qui nous convient aussi !
La route qui fait le tour de l’île est paisible, agréable et… autant peuplée de chats qu’une ruelle d’Istanbul ! Hélas elle offre beaucoup moins de vues plongeantes qu’espéré.
Adresse 🍽️ : Notre consolation est de tomber, dans l’une des zones les plus sauvages de l’île, sur le restaurant Eskibağ Teras, qui comme son nom l’indique possède une superbe terrasse. Un vaste choix de mezze est présenté derrière une vitre. Deux et demi par personne suffisent à reprendre ses forces.
Quitte à ne pas avoir d’accès aux criques, autant partir directement sur les sentiers de randonnée qui gambadent entre les arbousiers. La boucle fait 11 kilomètres, avec deux surprises en chemin : le monastère Saint-Georges entouré de milliers de rubans dans les arbres et un ancien orphelinat grec qui s’avère être le deuxième plus grand bâtiment en bois du monde, et incontestablement le plus vermoulu.
Enfin, si vous restez jusqu’au coucher de soleil, vous pouvez l’admirer depuis ce sunset viewpoint.
Pour notre part, c’est depuis le bateau du retour que nous contemplons notre dernier coucher de soleil turc.
Notre avis sur Istanbul
Nous sommes repartis emballés par notre séjour à Istanbul, qui a définitivement sa place dans la liste des plus belles villes du monde. Nous ne nous sommes pas lassés un moment de nos balades dans ses rues, de son atmosphère unique, de ses monuments inimitables et du mélange de cultures qui l’imprègne. Vous l’aurez saisi, une grande partie du plaisir réside aussi dans les innombrables terrasses où flâner et dans l’inventivité culinaire turque. En revanche, par rapport à notre première visite treize ans plus tôt, nous avons été marqués par l’explosion du tourisme et par celle des prix des monuments. Les attraits d’Istanbul se sont ébruités !
Conseils pratiques pour visiter Istanbul
Venir depuis l’aéroport
Istanbul est si grande que son aéroport est situé très loin du centre. Une ligne de métro bien pratique permet de s’approcher en cinquante minutes, plus certainement un petit changement pour atteindre votre destination finale.
Se déplacer dans Istanbul
Le réseau de transports est solide et fiable. Le sésame pour emprunter le bus, le métro et même le bateau, s’appelle la Istanbulcard. Elle se charge du montant que vous souhaitez, puis se décharge d’une somme différente selon le moyen de transport utilisé. Les bateaux sont un peu plus chers que le métro, par exemple.
Se loger à Istanbul
Nous avons séparé notre séjour en deux, à cheval sur les deux continents. Nous n’avons pas été emballés par les studios que nous avons loués, donc nous ne les recommanderons pas, mais les quartiers oui.
Pour un séjour de cinq jours ou moins, nous recommandons de loger sur la rive européenne, plus riche en monuments, quitte à passer une rapide tête en Asie à la journée. Le quartier de Balat nous a beaucoup plu et nous le recommandons à notre tour, un peu touristique mais nettement moins que l’archicentre. Pour le retrouver sur Booking, ouvrez cette cartei, puis tapez « Balat Fatih » dans le champ « Rechercher sur la carte ».
Pour un séjour plus long et surtout plus lent, le quartier de Kadiköy sur la rive asiatique est extra, animé et agréable à vivre. Et s’il vous reste des choses à voir sur le Vieux Continent, un rapide coup de bateau vous y mène. Voir les hébergements à Kadiköyi.
Gérer l’argent
La plupart des distributeurs prennent des frais exorbitants, entre 7 et 12%. Les seuls à ne pas taxer les étrangers sont les ATM de Vakifbank et d’HSBC, ouvrez l’œil car ils sont rares.
Si vous avez besoin d’échanger des devises, évitez les enseignes avec « CHANGE » en anglais. Privilégiez celles qui s’adressent aux Turcs en écrivant « DÖVIZ », les frais sont beaucoup plus bas.
Enfin, certains restaurants et magasins du centre s’amusent à ajouter une commission pour les cartes étrangères alors que ça ne leur coûte pas plus cher. Demandez à payer en espèces si l’on vous fait le coup. Plus vous vous éloignez des quartiers touristiques, plus l’honnêteté remonte.
Nous avons visité Istanbul en octobre 2023.
Bonjour,
à Sultanahmet, il est possible de visiter une belle petite mosquée nommée la Petite Sainte-Sophie (Küçük Aya Sofya Camii), très peu de monde (entrée gratuite)
Dans le quartier de Fener, il y a aussi une église splendide, St Sauveur in Chora, mais apparemment transformée en mosquée, les fresques sont magnifiques.
Ne pas oublier aussi le superbe musée archéologique près de Topkapi (peu de monde)
Les tarifs des musées/monuments étant exorbitants (la livre turque s’étant effondrée, le gouvernement turc fait les poches des touristes), il est préférable de payer pour une carte regroupant différents musées / monuments : ainsi, la carte museumpass Istanbul coûte …105€, et celle pour toute la Turquie coûte ….165€ ! (les citoyens turcs, eux, ne paient quasiment rien)
Quand j’ai fait en tour en Turquie l’an passé, c’était moitié prix pour ces cartes : aucun touriste ne viendra plus en Turquie si cela continue !
Cordialement
Patrice
Bonjour Patrice,
Un grand merci pour toutes ces infos bien utiles ! On a halluciné de voir les explosions de prix depuis notre passage il y a quelques mois… Heureusement que la visite d’Istanbul ne se résume pas à ses monuments payants !
Et même avec la Istanbulkart..pas les mêmes conditions pour un turc et un touriste ( par exemple remboursement aux bornes de sortie des stations Marmaray de l excédent payé pour un citoyen turc ) vous payerez le montant max même pour une station!
On commence à avoir l’habitude des différences de tarifs pour touristes, c’est de plus en plus courant hélas. On a nous-mêmes parfois des réductions réservées aux habitants dans notre département, donc bon, on ne peut pas leur en vouloir !
Quelle nostalji (comme on écrit en turc) ! Il y a une alternative pour Sainte-Sophie : la « petite Sainte-Sophie » qui est aussi une église reconvertie en mosquée se visite gratuitement (pour le moment ?).
Les souvenirs sont frais pour toi ! Merci pour le tuyau, on l’a ajouté à l’article.
Oui se perdre dans Istanbul est fascinant!!j allais à l école en Europe et je résidais en Asie à l époque ! J y étais cette année encore et me servirai de votre blog pour certains endroits à voir la prochaine fois! Oui les prix ont terriblement augmenté y compris les transports! Une ambiance et un mélange de » keyif » et de précipitation ! J adooore …une partie de mon coeur est là bas! Merci pour votre partage et de votre magnifique écriture et caricatures
Hello Yasmine !
Merci pour ton gentil message et ton point de vue d’ancienne habitante. On ne connaissait pas le mot Keyif, mais on se rend compte que ça correspond bien à l’ambiance d’Istanbul. Nous-mêmes on a bien keyifé !
Une ville qui me fait de l’oeil depuis pas mal d’années. Et ton article confirme bien l’attrait des voyageurs pour Istanbul. Merci pour les infos
On te re-re-reconfirme qu’Istanbul ne peut que te plaire !
Toujours un plaisir de vous lire avec une dynamique un humour et une gourmandise sans pareille
Gourmandise ? Oooh si peu 🙂
Merci pour ton message !