Si, comme ils disent, la curiosité est un vilain défaut, alors nous sommes de bien vilaines personnes. Et c’est avec une grande vilaineté que nous nous apprêtons à visiter Thessalonique. Après trois visites d’Athènes, il était temps de donner une chance à sa petite sœur du nord de la Grèce !
Arrivée à Thessalonique, premières impressions
Et alors, que trouve-t-on à Thessalonique ?
- Une impressionnante collection d’immeubles bien serrés, entremêlés d’arbres pour offrir de l’ombre à une impressionnante collection de voitures.
- D’énormes chiens errants, qui ne prennent même pas la peine d’errer. Des chiens stagnants donc.
- Des terrasses partout et bondées, car les habitants ont aussi un goût prononcé pour la stagnation, tant qu’ils ont une paille de café frappé à portée de bouche.
- Des petites chaises et tables devant la plupart des boutiques, pour les commerçants qui aimeraient s’installer en terrasse mais ne peuvent pas s’éloigner de leur marchandise.
- Une constellation de vieux monuments en briquettes roses, souvent surmontées de croix, qui ont offert à Thessalonique sa carte de membre au patrimoine mondial de l’UNESCO.
- Et un interminable front de mer, sans obstacle, dont nous reparlerons plus bas.
Le tout compose un joyeux méli-mélo qui n’est pas pour nous déplaire. Enfilez vos baskets, c’est parti pour un tour !
La place Aristote et les églises du centre
Les rues ombragées, les trottoirs lézardés et les murs tagués ne manquent pas à Thessalonique, sauf lorsqu’ils débouchent au cœur de la cité. De part et d’autre de la place Aristote, deux rangées d’immeubles philosophent jusqu’à la mer, dans un style particulier.
Pour l’histoire, un incendie ravageur a réduit la ville en cendres en 1917. Le design de cette place a alors été confié à un architecte français, qui a mis dans son mixeur un peu d’Antiquité, du byzantin, de l’ottoman et une louche d’Art Déco. Le résultat est une drôle de soupe qui laisse désorienté.
Entre les terrasses de café du centre de Thessalonique, nous découvrons une belle concentration de patrimoine. À commencer par l’ancienne agora romaine (ou forum), qui s’observe facilement depuis la rue mais ne mérite pas vraiment un détour.
Sauf si votre imagination sait reconstituer des merveilles à partir des trois colonnes restantes.
Inutile de chercher loin l’auteur du larcin : l’intérieur de l’église Agios Dimitrios toute proche collectionne les vieilles colonnes de styles variés et a très certainement pioché dans l’agora.
Nous recommandons aussi de passer le nez dans la cathédrale Agia Sofia, qui par un tour de passe-passe religieux s’est retrouvée avec de nombreuses décorations non figuratives, des lustres pleins d’oiseaux dorés et un demi-minaret en guise de clocher.
Le Monastère de Sainte Théodora, censé être le plus vieux de Thessalonique, est pourtant propre comme un sou neuf. Encore une victime du grand feu ! Beaucoup de ferveur religieuse tournicote dans son enceinte, avec des croyants qui viennent faire la bise aux icônes et des popes qui popent de partout.
Enfin, l’église des Saintes Constantine et Hélène nous plaît pour ses belles fresques récentes, qui ressemblent beaucoup à celles que nous admirions en Macédoine du Nord.
Lavés de leurs péchés, les Thessaloniciens enchaînaient avec le corps dans l’un des nombreux hammams, héritage de la culture ottomane. Seuls quatre sont encore debout et un seul se visite, à condition d’aimer danser, car il a été transformé en club (inscrit au patrimoine mondial du DISCO).
Et même si nous mettons les vieilles pierres de côté, les strates d’histoire récente continuent de se mélanger sans vergogne avec des architectures très variées. Drôle de patchwork !
Le marché Kapani et le bazar
Toujours en plein centre, nous recommandons un tour au très ancien marché Kapani, dont le nom signifiait en turc « marché couvert ». La toiture n’est plus d’époque, les olives ne sont plus apportées à dos d’âne, mais ça rit, ça chante, ça crie, ça enchante.
Comme souvent, nous avons droit à des cadeaux en achetant des fruits. La Grèce est vraiment le pays des petites surprises comestibles.
De l’autre côté de la place Aristote, le marché se poursuit sous un visage différent. Des terrasses de petits restaurants se disputent certaines ruelles, tandis que d’autres servent d’atelier à ciel ouvert pour des ébénistes, vanniers, papetiers… nous avons même repéré un fabricant de stylos !
Au passage, c’est ici que nous dégotons notre restaurant préféré à Thessalonique, le délicieux végétarien Roots.
La Rotonde, l’Arc et le Palais de Galère
Rien ne prédestinait un simple berger à devenir empereur, et surtout pas son nom : Galère. Mais la vie est pleine de surprises, et la ville de Thessalonique aussi. Comme cette immense Rotonde de Galère, où Galère souhaitait être enterré avant de finalement mourir ailleurs.
Nous nous dévouons pour payer l’entrée et vous dire si elle vaut le coût (6€). Et nous découvrons… une grande salle vide ! Certes, ses dimensions sont impressionnantes pour le IVe siècle. Et, d’accord, il y a de jolis canards sur des bouts de mosaïques. Mais le tarif n’est pas très justifié.
Nous poursuivons vers l’arc de Galère, qui fait aussi partie des emblèmes de la ville. Comme tout empereur romain mégalomane qui se respecte ou comme Napoléon plus tard, Galère a fait construire son « arc de triomphe » au retour d’une guéguerre.
Plus anedoctiques, se trouvent un peu plus bas les ruines de l’immense palais de Galère. Seule une petite portion est visible, le reste est noyé sous la ville.
Le front de mer de Thessalonique
Thessalonique ne serait pas Thessalonique sans son immense promenade de bord de mer, de près de quatre kilomètres. Un bonheur pour fuir la circulation, avec en prime une vue sur l’Olympe dans le lointain.
Cela n’a pas toujours été le cas. Jusque dans les années 1870, Thessalonique redoutait la mer comme de l’acide et s’en protégeait derrière une épaisse muraille.
C’est ici que se situe l’ancienne Tour Rouge, surnommée ainsi en raison de son passé de prison sanguinaire. Jusqu’à ce que les Ottomans aient l’idée de la repeindre et de la rebaptiser Tour Blanche. Cela a fonctionné, elle pose désormais fièrement sur toutes les cartes postales de Thessalonique.
Elle se visite (6€), mais cette fois c’est à votre tour de nous raconter ! Les avis semblent critiquer le manque d’intérêt, mais apprécient la vue au sommet.
Quant aux alentours de la tour, il s’agit probablement de l’endroit le plus fréquenté de Thessalonique, surtout en fin de journée : locaux qui discutent, touristes qui défilent, pêcheurs, vendeurs de maïs grillé, bateau-bar…
Cinq cents mètres plus loin, une curiosité charme tout le monde : les Parapluies de George Zongolopoulos, sculpteur avant-gardiste qui n’aimait visiblement pas les gouttes.
Ano Poli, la vieille ville haute
Nous terminons notre visite de Thessalonique par son pittoresque quartier haut. Si pittoresque que nous pensions y avoir trouvé le vieux centre. Mais que nenni, c’est le grand incendie qui, en l’épargnant, a rebattu la carte urbaine.
Cela donne un quartier très sympa à parcourir, à condition d’avoir du souffle. On y trouve beaucoup moins de voitures, remplacées par des petits escaliers, des maisons colorées, des chats, des figuiers, des bougainvilliers…
… et une palanquée d’églises et des monastères orthodoxes planqués un peu partout. Voici à peu près le circuit que nous avons suivi :
À peine commençons-nous à grimper, que nous tombons sur l’architecture rebondissante de l’église du prophète Elias ❶ et un groupe de mamies qui discutent sous ses arches. Mais nous avons la mauvaise idée de venir un dimanche, elle est fermée.
Les maisons à encorbellements sont légion et nous rappellent de bons souvenirs dans les Balkans, notamment en Albanie.
Nous atteignons le monastère Osios David ❷, réputé pour son église vieille de 1500 ans et sa mosaïque pas beaucoup plus récente. Sauf qu’elles sont en congé dominical elles aussi. Grumf !
C’est le monastère de Vlatades ❸ qui nous recueille, avec une petite église sans particularité, mais une collection de paons blancs en captivité dans un coin et un point de vue dans un autre.
En haut, les anciens n’ont pas pu s’empêcher d’édifier une acropole, même si celle de Thessalonique était plus défensive que religieuse. Encore aujourd’hui, le sommet héberge des tours, citadelles et des pans de muraille désœuvrés. Nous les traversons pour déjeuner chez Anapolis ❹ (un honnête petit resto que nous recommandons).
Le point culminant et point d’orgue est le Heptapyrgion ❺, qui signifie « fort à sept tours ». Nous hésitons à le visiter (encore 6€), mais les avis pointent un léger manque d’intérêt.
C’est l’ombre d’un café voisin qui reçoit notre préférence.
L’autre protectrice de l’Acropole est la tour du Trigonion ❻, qui signifie « triangle » tout en étant parfaitement ronde. La définition du triangle a changé depuis, nous ne voyons pas d’autre explication. Reste que la vue d’ici est superbe !
Nous redescendons via l’église Saint-Paul ❼, encore fermée nomdoudioupoulos ! Prenez vraiment soin d’éviter le dimanche. Néanmoins, son extérieur est superbe de près et son esplanade offre un nouveau point de vue sur Thessalonique.
Au milieu de la descente, un trou dans la muraille nous ramène dans un coin « alternatif » d’Ano Poli, toujours fait de jolies maisons, mais aussi rempli de cafés tranquilles et de graffitis. Nous en profitons pour visiter la petite église médiévale de Saint-Nicolas l’orphelin ❽, dotées de fresques de sept cents ans et protégée par une tortue qui rôde dans le jardin.
Enfin, nous passons devant la maison de naissance d’Atatürk ❾. À cette époque, Thessalonique était encore ottomane, dirigée par un pacha, pleine d’élégantes moustaches, de mosquées et… de cafés, la seule chose qui n’ait pas changé !
Notre avis sur Thessalonique
Thessalonique a longtemps eu une réputation de ville mal en point. Mais le vent a tourné et son mal-en-pointisme s’est transformé en joyeux dynamisme, et c’est vraiment son point fort. Ne vous forcez pas à visiter l’ensemble de ses monuments, vous risquez de les trouver redondants. À la place, venez profiter du summum de l’ambiance à la grecque, sans la pléthore de touristes qui tournent dans Athènes. Nous listons d’ailleurs quelques rues au cœur de l’ambiance, dans les infos pratiques plus bas.
Conseils pratiques pour visiter Thessalonique
Arriver et repartir
Thessalonique est un véritable carrefour pour le nord du pays, et bien au-delà. Par exemple, elle est à 5h de train d’Athènes, 3h30 de bus de Ioannina et sur la route vers la Macédoine du Nord, la Bulgarie ou la Turquie.
Se déplacer en ville
Nous avons tout fait à pied, mais si besoin le réseau de bus est très efficace.
Où loger à Thessalonique
Nous avons bien aimé notre quartier dans le centre-ouest, appelé Vardaris, fait de grands immeubles évidemment, mais plus tranquille que le centre-centre. Nous sommes restés cinq nuits dans l’un de ces petits studiosi, neuf et propre, avec machine à laver à disposition.
Où manger à Thessalonique
Les bonnes adresses ne manquent pas, avec bien sûr des restaurants typiques, mais aussi beaucoup de renouveau pour varier, ainsi que des snacks bon marché. D’ailleurs, de toutes nos visites dans le pays, c’est à Thessalonique que le rapport qualité/prix est le meilleur. Et comme nous sommes ici dans une Grèce moins touristique, il n’est pas rare que les restaurateurs attendent 14h pour démarrer leur service du midi !
Voici nos recommandations, mais nous sommes sûrs que vous trouverez plein d’autres bonnes adresses sur place :
- Près de notre logement, le charmant café Little Cup sert de très bonnes boissons chaudes ou frappées sur une terrasse au calme, ainsi que quelques pâtisseries le matin.
- Les pizzas et sandwichs de chez Salento sont archi-gourmands (options vegan).
- Cette ruelle sans voitures héberge plusieurs bonnes adresses de street food : burger, pizza, tacos…
- Le restaurant végétarien Roots, situé dans le marché Kapani, est vraiment délicieux.
- Dans un style un plus classique, le restaurant Kanoula prépare des plats grecs savoureux, avec quelques touches d’originalité.
Où boire des coups
- La rue Katouni et ses environs sont réputés être le cœur de la vie nocturne de Thessalonique, avec un nombre incalculable de bars et restaurants, mais un peu trop clinquants à notre goût.
- Nous avons préféré la ruelle Zefxidos et ses voisines, avec des petits bars plus simples et une vraie ambiance animée.
Free walking tour
Nous avons suivi un tour guidé du centre par Giorgios, drôle et intéressant (en anglais et au pourboire). Si vous ne restez pas longtemps en ville, cela vous donnera une bonne vue d’ensemble. Il existe aussi un tour guidé de la ville haute que nous n’avons pas testé.
Et pour les non marcheurs, sachez que le bus n°50 fait le tour des monuments de la ville une fois par heure pour 1€80, avec commentaires en grec et en anglais.
Très beau portrait ! Je m’y suis rendu il y a deux ans, pour un court passage d’une journée. Je n’ai malheureusement pas eu la possibilité d’aller autant dans le détail, mais je revois bien l’ambiance que vous décrivez 🙂