Après trois jours à Leh, nos braves petits poumons supportent une ascension d’escaliers sans trop s’affoler. Ils ne sont pas pour autant prêts à des exploits d’alpinisme, et encore moins d’himalayisme. En guise de première randonnée au Ladakh, nous optons pour un trek de trois jours dans la Vallée de Sham, entre le village de Likir et celui de Temisgan.

Il est connu sous le surnom de « Baby trek« , pour ses distances courtes, ses dénivelés légers et son altitude maximale qui ne dépasse pas 3900m. Bref, la randonnée parfaite pour dérouiller nos jambes à l’abri du grand méchant MAM, le Mal Aigu des Montagnes.
Et encore plus que l’exploit sportif, c’est l’immersion dans les villages que nous avons adorée, avec des découvertes culturelles en pagaille. Même si vous n’êtes pas les plus grands fans de sport, randonner est une excellente façon d’explorer le Ladakh.

L’autre avantage d’un Baby trek, c’est qu’il laisse le temps de dessiner !
Jour 1 – de Likir à Yangthang
Notre bébé périple commence par une grosse heure de taxi, yeux grands ouverts, de Leh vers Likir. La capitale s’évanouit pour laisser place à de larges vallées, semées essentiellement de… militaires. Nous aurions préféré des fleurs, des peupliers, voire rien, hélas l’Inde se chamaille quelques hauts plateaux avec ses voisins de palier.

Nous commençons par pousser la porte du monastère de Likir. C’est notre tout premier monastère, et nous en ressortons sonnés comme des gongs (plus d’infos dans le prochain article dédié aux monastères à l’ouest de Leh).

Le taxi propose ensuite de nous déposer soit au fond de la vallée, début officiel du Baby trek, soit de nous avancer au col de Phobe La. Nous coupons la poire en deux.

Au revoir Likir, au revoir verdure !
Nous plongeons à quatre pattes (c’est un baby trek) dans ce qui recouvre l’essentiel de l’Himalaya : des cailloux. Même si nous sentons que ces derniers font de gros efforts pour varier en taille, en forme et en couleur, la demi-montée restante se fait longue. Surtout avec nos demi-poumons. N’hésitez pas à démarrer directement au col.

Le soleil local n’est pas beaucoup plus tendre que la caillasse. Sur une journée annoncée à 20°C, il ajoute une dizaine de degrés sur la casquette. Il faut être une herbe folle pour oser pousser dans ces conditions. Ou une insaisissable panthère des neiges pour oser féliner (nous sommes dans son royaume, mais rassurez-vous, elle n’attaque jamais l’humain).

Caillou déguisé en panthère.
Quand t’es dans le désert depuis trop longt… Oooooh ça alors ! Attends Jean-Patrick. Au détour d’un caillou, nous tombons sur notre première vallée. L’effet oasis est garanti, les palmiers en moins.

Le mini village de Sumdo
Au Ladakh, les lopins de verdure pas trop inhospitaliers sont rares, précieux et transformés en jardins par des irrigateurs, planteurs de peupliers et récolteurs d’orge, seule céréale ayant le temps de mûrir entre deux longs hivers. Nous trouvons même un coin d’herbe pour dévorer notre pique-nique.

À l’assaut d’un nouveau col, le manque d’oxygène semble nous filer la berlue. Tous les cent mètres, les cailloux prennent une nouvelle teinte : jaune, grise, orange, blanche, violette, re-jaune, verte, rose…

Notre village-oasis pour la soirée se révèle alors au loin. Son nom Yangthang signifie plaine haute et lui va comme un gant.

(Dans la descente, la trace GPS traverse un grillage troué, n’hésitez pas à en faire autant.)
Yangthang est plus joli que nous ne le pensions. Nous nous dépoussiérons pour paraître présentables devant les deux touristes, trois bambins, quatre vieillards et douze vaches qui occupent les lieux, puis nous mettons en quête du gîte et du couvert.



Nous rencontrons aussi un dzo, hybride entre yack et taureau, qui n’a pas l’air d’avoir envie de plaisanter.

« Au champ j’ai bousé, poin poin poinlin poin » (Dzo Dassin)
Ainsi qu’un moulin à prière taille XL, comme nous retrouverons dans chaque village.

Celui-ci s’ennuie un peu, Mi-raison lui paye un tour.

Internet n’ayant pas encore frayé son chemin jusqu’au village, notre recherche d’hébergement se déroule au flair et à la bonne étoile. Sur trois homestays repérés, nous optons pour… celui avec une tête souriante qui nous appelle. Il n’y a ni papier toilette, ni serviette, ni drap, mais nous sommes ravis de trouver une chambre neuve, des bouteilles d’eau potable, de l’eau chaude solaire et une vue depuis le lit !

Tous les homestays des sentiers du Ladakh proposent une formule à trois repas : dîner + petit déjeuner + un déjeuner soit la veille si vous arrivez tôt, soit le lendemain en panier-repas.
Espionnés par deux paires d’yeux d’enfants, nous dînons d’une soupe et de momos aux légumes, à volonté ! Les meilleurs de notre séjour au Ladakh !

Jour 2 – de Yangthang à Hemis Shukpachen
Une nuit et un bon petit déjeuner plus tard (la confiture d’abricot est excellente dans la région !), nous repartons faire des papouilles au trek.
Un nuage de poussière est en train d’ensevelir un bout du village. Dessous, nous tombons sur la quasi-totalité des habitants réunis autour d’une batteuse à orge, probablement louée à la journée, s’aidant les uns les autres.
Puis nous découvrons une deuxième partie au village de Yangthang, plus basse, bien irriguée et toujours aussi belle.




À la sortie du village, une nouvelle énigme surgit : d’épais murs de pierres sont nappés de calligraphies gravées il y a des décennies, peut-être des siècles. Nous apprendrons plus tard que ce sont des murs de Mani, qui envoient des prières vers l’univers lorsqu’on les contourne dans le sens horaire.


La grimpette du jour nous mène entre rosiers sauvages et papillons jusqu’au col de Tsermangchen.

3900m d’altitude, c’est une broutille pour un Ladakhi, un petit exploit pour nous. Dans tous les cas, c’est l’endroit parfait pour un pique-nique avec vue.


Nos mâchoires sont accompagnées du claquement de guirlandes entières de drapeaux de prières, conçus pour répandre les mantras aux quatre vents. Décidément, les Bouddhistes sont doués en automatisation de la spiritualité.

L’approche d’Hemis Shukpachen est verte et bucolique. Nous croisons à plusieurs reprises de toutes petites mamies qui transfèrent des herbes dans le dos. Les habitants des hauts plateaux ont une morphologie adaptée à l’altitude, et nos grandes guiboles ne font visiblement pas partie de la panoplie.



Le climat sec permet aux habitants de s’adonner avec facilité à la récolte de bouses de vaches. Celles-ci restent à sécher sur les murets pour servir de chauffage en hiver, en plus d’agrémenter les rues d’une note florale.
Après le trente-douzième peuplier à droite, nous finissons à la Diskit Guesthouse, un nom que nous avions repéré à l’avance. La veille, nous étions seuls avec le calme, ce soir nous sommes entourés de onze Italiens.

S’il y en a un que le niveau sonore italien laisse stoïque, c’est Bouddha. Majestueusement campé sur le plus haut rocher du village, il admire la vaste vallée, et la vaste vallée l’admire.


Comme souvent au Ladakh, le sommet du village abrite aussi un monastère. Et comme souvent, un ancien village s’accroche aux pentes, dans un état qui fait peur. Les maisons de terre s’affaissent (attention à ne pas marcher sur les terrasses sous peine de les traverser) et les nouvelles générations sont parties construire plus solide un peu plus loin.



Au menu du soir, des « ravioli » selon nos co-voyageurs italiens, des momos aux légumes selon nos hôtes. Oui, encore, mais nous ne nous lassons pas !
Jour 3 – de Hemis Shukpachen à Temisgan
À la sortie d’Hemis Shukpachen, le Ladakh nous offre ses plus verts paysages.


Les cailloux ne se laissent pas faire longtemps et reprennent rapidement la main, balançant ce jour-là entre le rose argileux et l’ocre chameau.


Un premier col passe bien, le second nous fait peur avec sa face de mur. Heureusement, deux boucles l’adoucissent, conjointement à la bonne excuse des photos pour faire des pauses. Nous l’atteignons tout de même à bout de souffle.

Pfffiou…. pfffiou……
Après le traditionnel pique-nique sous les drapeaux de prières, nous nous insinuons dans une vallée qui se resserre de plus en plus, jusqu’à déboucher sur celle d’Ang.

Ang n’est pas tant un village qu’une succession de hameaux le long d’une rivière. Même ici, au fin fond du Ladakh, des maisons ont des boiseries finement sculptées. Certes, les hivers sont longs, mais quel boulot !



Puisque nous atterrissons sur une route à peu près carrossable, il est possible de demander à un taxi d’attendre ici (après dix kilomètres). Nous préférons ajouter deux kilomètres jusqu’à Temisgan (parfois orthographié Tingmosgang), dont nous apercevons le monastère perché.

C’est la vallée des abricots. Les bords de route, murets et toits-terrasses sont couverts de fruits mis à sécher, coupés en deux, non sans attirer quelques lézards gourmands. Et puis, nous tombons sur des abricotiers surchargés, dont les fruits roulent au sol, non sans attirer quelques Mi-fugue et Mi-raison gourmands.




Nous hésitions à visiter le monastère de Temisgan, mais… il paraît plus haut que les cols que nous venons de franchir. Et nous n’avons pas le don de lévitation des moines.
C’est la fin de nos trois jours de randonnée, cependant nous ne rentrons pas directement à Leh. Nous prenons un taxi pour passer une nuit à Lamayuru, et cela, nous vous le racontons dans le prochain article !
Notre avis sur le Baby Trek
Nous gardons un superbe souvenir de ces trois jours de randonnée. Le rythme pourrait vous ennuyer si vous êtes déjà acclimatés et à la recherche de gros efforts sportifs, en revanche il est effectivement parfait pour un premier trek au Ladakh. Cela permet aussi de profiter des pauses pique-nique, d’avoir de longues fins de journées dans les villages et d’observer les coutumes. Si c’est important pour vous, le confort des hébergements est moins sommaire que sur d’autres itinéraires de la région. Enfin, ne craignez pas trop la foule, sur trois jours nous avons croisé en tout et pour tout une dizaine de randonneurs.


Conseils pratiques pour randonner sur le Baby Trek au Ladakh
S’orienter sur le Baby Trek
Nous nous sommes principalement appuyés sur ces trois traces GPS : jour 1, jour 2, jour 3. Sont venus en complément l’application Maps.Me, les cairns, parfois des balises en forme de poteaux, les traces de pas dans la poussière et les crottes de chevaux. Avec tout cela, vous ne devriez pas vous perdre ! Prenez vos précautions, il y a très peu de réseau téléphonique et internet (un mince filet de wifi chez Diskit Guesthouse, la deuxième nuit).
Ajouter ou supprimer un jour
Pour les courageux, un quatrième jour peut s’ajouter à ce Baby trek, entre Temisgam et Khaltse. Et d’après un commentaire sur Tripadvisor, ce serait même le plus beau !
Par ailleurs, à la naissance de ce trek, il n’existait pas de route qui atteignait les villages intermédiaires. Il est désormais possible de se faire déposer ou récupérer dans chacun d’eux, si vous souhaitez raccourcir.
Trajet aller-retour depuis Leh
Le plus simple est probablement de demander au gérant de votre hôtel à Leh de vous organiser le taxi. Il existe des tarifs officiels, listés dans un livret, et ceux-ci sont assez élevés. Nous avons par exemple payé 2200 roupies pour atteindre le point de départ de la randonnée, avec détour + attente au monastère inclus.
Vous lirez peut-être sur Internet qu’il est possible de trouver des taxis à la fin du trek le troisième jour, vers Ang ou Temisgan. Nous n’avons pas constaté cela. Nous avions prévu le coup en donnant rendez-vous à un taxi. Au pire, la 4G atteint Temisgan pour en contacter un, mais il mettra du temps à débouler. Le taxi de Temisgan à Lamayuru nous a demandé 3000 roupies.
Il existe éventuellement une astuce pour économiser : le site lehladakhtaxis.com permet de partager un taxi avec d’autres voyageurs. Nous n’avons pas trouvé d’annonce qui nous convenait, mais rien ne vous empêche d’essayer.
Permis de circulation
A priori, il serait possible de se rendre à Likir sans permis, mais nous ne sommes pas certains à 100%. Ce qui est sûr, c’est qu’avoir le permis en main accélère les contrôles routiers et qu’il existe un checkpoint à la sortie de Leh. Pour l’obtenir, le plus simple est de demander à votre hôtel. Ils ont l’habitude de le faire pour leurs clients en échange d’environ 700 roupies par personne.
Trouver et réserver des hébergements sur le Baby Trek
Cela évoluera sûrement, mais en 2024, il n’était pas possible de réserver. La quasi-absence d’informations en ligne nous inquiétait un peu, mais lancez-vous sans hésiter, il y a plus de homestays que de touristes dans les villages traversés. Il n’existe pas dans cette vallée de système de roulement entre habitants, vous pouvez donc choisir la maison qui vous plaît (après visite de la chambre).
Nous étions globalement satisfaits de nos adresses, propres et tenues par des personnes sympathiques : T. Angchok Homestay à Yangthang (à ne pas confondre avec le Tsetan Angchok Homestay dans le village suivant) et Diskit Guesthouse à Hemis Shukpachen.

Les prix sont d’environ 15-20€ par personne et incluent toujours trois repas (pique-nique du midi à emporter ou déjeuner sur place, au choix). Les dîners sont très bons, les pique-niques moins : du pain de mie tartiné de confiture, un œuf dur ou une patate si vous avez de la chance, une barre de céréale, une briquette de jus de fruits.
De grosses couvertures sont fournies, mais pas forcément de drap. Pensez à apporter un « sac à viande ». Idem pour les serviettes de toilettes et le papier toilette.
Nous avons randonné sur le Baby trek au Ladakh fin août 2024.